La crise amène la plupart des entreprises à afficher une nouvelle priorité au cash. Ayant été cash controller chez Valeo, il m’a semblé utile en écho au dossier récemment publié sur la question dans la revue Echanges de partager quelques réflexions sur le sujet.

 

Il est logique de donner la priorité à la mise en place d’un plan d’action visant à récupérer à très court terme du cash. Cela passe essentiellement par la réduction du BFR et des investissements. L’action sur les stocks est la plus évidente, et souvent la plus efficace, mais aucun levier ne doit être négligé. Il faut dégager du cash, et il ne faut pas le gaspiller ensuite : le renforcement du crédit management ne devra pas être oublié.

 

Cependant ce plan d’action doit absolument s’accompagner d’une réflexion sur l’organisation, sur les objectifs et sur la culture cash du groupe. Sans cela, les résultats seront partiels et temporaires.

 

D’abord, une évidence qui vaut pour tout changement de culture : celui-ci ne s’improvise pas et prendra du temps. Il doit s’appliquer à tous, à commencer par le top management qui doit être convaincu que le cash n’est pas seulement une contrainte mais est également un indicateur de bonne gestion. C’est un point fondamental qui doit faire l’objet de réflexions partagées au plus haut niveau.

 

Pour accélérer la diffusion de la culture cash, le cash controller, sous la responsabilité du directeur financier est le mieux placé. Celui-ci sera responsable des équipes dédiées (ou réallouées), des outils de suivi du cash (budget, reporting et prévisions), de la diffusion des programmes de formation et enfin du contrôle des investissements. Il pourra également assurer le lien entre la trésorerie du groupe et les opérationnels.

 

Parmi les requis : le choix d’indicateurs de trésorerie simples, disponibles rapidement, limités en nombre, et sur lesquels seront assis une partie significative des bonus des top managers. On pourra mettre l’accent sur le cash-flow, l’endettement (net) et les frais financiers, au sein d’un reporting unique au contrôle de gestion, à la trésorerie et à la comptabilité. Le reporting mensuel étant de la responsabilité des trésoriers de filiales qui devaient s’assurer du bouclage avec la comptabilité (là aussi, le sujet est trop vaste pour être traité ici).

 

Il faut également rédiger et diffuser un manuel des bonnes pratiques à l’attention des financiers et des managers des filiales qui définisse précisément les marges de manœuvre : par exemple, il ne saurait être question de jouer sur les échéances fournisseurs ou le factoring pour tenir les objectifs de cash.

 

Un autre rôle du cash controller sera de s’assurer de la cohérence entre les objectifs et l’organisation : ainsi, les prévisions de cash à horizon glissant (3 mois souvent), si elles sont vitales n’en sont pas moins difficiles à établir et requièrent une technicité particulière. Il ne faut donc pas hésiter à réallouer des ressources si on veut qu’elles soient suffisamment fiables pour être utiles.

 

Une telle organisation a un coût mais il faut le mettre en parallèle avec les enjeux : si l’on se réfère aux investissements engagés par les entreprises ces dernières années pour rénover leurs systèmes d’information, ces coûts sont raisonnables. Introduire plus d’indicateurs ou de culture cash dans ces systèmes est sans doute le meilleur moyen de s’adapter au nouvel environnement incertain.

 

C’est seulement à ces conditions que les grands groupes pourront mettre à profit la crise pour améliorer durablement leur système de gestion et générer des acquis qui perdureront lorsque la contrainte cash sera desserrée, ce qui surviendra forcément.