La dure vie des assureurs-vie
Les taux d’intérêt sont sur une tendance longue, très longue, de réduction. La politique monétaire des banques centrales y est bien sûr pour quelque chose, suite au choc financier de 2007, mais le mouvement s’observe en fait depuis la mi-1980, depuis plus de 30 ans donc. La gestion de l’assurance-vie en devient très difficile.
La vie « normale » d’un assureur-vie est celle où se succèdent à rythme pas trop éloigné des périodes où les taux d’intérêt sont hauts et d’autres où ils sont bas. Il peut jouer ainsi son rôle de mutualisation ou de lissage à travers le temps du risque de taux d’intérêt. Les assurés-épargnants en période de taux bas profitent des rendements du stock obligataire détenu par l’assureur : ceux-ci sont en moyenne plus élevés que les taux de rendement courants. Et l’inverse en situation de taux élevés : le rendement du contrat est moindre que le taux de rendement courant. Les générations d’épargnants, notamment en vue de leur retraite, s’épaulent mutuellement face aux variations des marchés financiers.
Le schéma se dérègle si la période de baisse de taux se poursuit tant et plus. Entendons-nous : c’est favorable aux assurés puisque par effet d’inertie les taux moyens en stock sont plus élevés que les taux courants. Mais plus le temps passe, plus les obligations achetées par l’assureur pour « rafraîchir » leur bilan ont des rendements bas. Aujourd’hui, s’agissant des obligations en euros, les rendements sont quasiment tous inférieurs à 1% (0,46% sur le Bund ; 0,82% sur l’OAT).
Comment rendre encore attractifs les contrats ? Soit l’assureur investit en des actifs plus risqués, dans les limites d’une bonne solvabilité et liquidité, soit il baisse la rémunération des contrats. Il fait un peu des deux, en réalité, et en tout cas, cherche à moins baisser la rentabilité des contrats en euros que le rendement de son portefeuille.
Le premier graphique qui suit, tiré du récent Rapport sur la stabilité financière (oct. 17) rédigé par le FMI, montre bien le phénomène de moindre baisse des rendements des contrats, avec un rétrécissement progressif de la marge de l’assureur. On voit avec une certaine inquiétude ce qu’il en est pour le Japon (courbes rouges du bas). Or le Japon, si l’on peut dire, est l’avenir de l’Europe, en ce qui concerne les taux d’intérêt.
Graphique 1- Taux de rendement sur portefeuille et taux garanti pour les assureurs-vie
Le second graphique, tiré du même rapport, en dévoile les conséquences sur le rendement des fonds propres (RoE) de l’assureur. Il y a manifestement ici un risque financier important pour le secteur de l’assurance : soit les rendements servis deviennent à ce point faibles que les clients se détournent du produit (et c’est ce qu’on commence à observer par exemple en France, où l’on sait que l’assurance-vie tient un rôle déterminant dans l’épargne nationale ; soit la position financière de l’assureur – et donc des placements des clients – se dégrade. C’est ce qu’on appelle être entre l’arbre et l’écorce. Pas sympa.
Graphique 2- Rendement des fonds propres des assureurs-vie de trois grands pays
(Moyenne sur la période ; pourcentage d’actifs d’assurance dans chaque catégorie)
Et ce dernier graphique pour ceux de nos lecteurs qui voudraient voir de leurs yeux le déclin tendanciel des taux d’intérêt nominaux et réels (que le lecteur pardonne Vox-Fi, qui a oublié la source du graphique).
Graphique 3 : Pays de l’OCDE : taux d’intérêt nominaux et réels (à 10 ans) et inflation