La faiblesse du taux d’emploi chez les seniors, une fausse excuse pour ne pas réformer les retraites
Certains experts ou partenaires sociaux défendent l’idée selon laquelle il serait illogique de repousser l’âge effectif de départ en retraite sans avoir réglé préalablement la question de l’emploi des seniors. Cette idée, pourtant, est fausse à plusieurs égards. Déjà, il convient de nuancer cette faiblesse de l’emploi chez les seniors, car tout dépend de la tranche d’âge considérée. Ainsi, le taux d’emploi (c’est-à-dire la part des actifs dits « occupés » – salariés, gérants d’entreprises… – sur le total de la population de référence) des 55-65 ans est relativement faible en France (37%). Mais cette faiblesse est due pour la plus grande partie au taux d’emploi des 60-64 ans, qui s’élève à 13% chez nous, contre 21% en Allemagne, 40% au Royaume-Uni, ou 57% en Suède. A cet égard, notre score est le plus bas de tous les pays développés. En revanche, notre taux d’emploi pour les 55-59 ans est assez proche de la moyenne européenne, à 1 point près. Ainsi, globalement, la faiblesse du taux d’emploi des seniors est, dans notre pays, essentiellement due à un âge de départ en retraite plus précoce qu’ailleurs ! Le serpent se mord la queue.
On peut néanmoins parfaitement penser que la soutenabilité du système de retraite par répartition passe par un taux d’emploi plus élevé chez les 55-59 ans, en particulier pour les hommes (celui des femmes est tiré vers le haut en France par le bon niveau d’emploi féminin par rapport à certains de nos partenaires). Mais, là encore, l’analyse économique montre que le système de retraite est la cause, pas la conséquence. En effet, le chômage des seniors, outre les dispositifs de préretraite ou assimilés, émane de la mauvaise évolution, à partir de 50 ans, du ratio de la productivité du travail au salaire. En effet, à partir de cet âge, les salaires sont, généralement, relativement élevés, mais l’effort de formation diminue. En dépit de l’expérience accumulée, la productivité peut donc ralentir. Mais c’est logique ! Car, pourquoi entamer une formation si l’on doit rester sur le marché du travail moins de 10 ans et que l’on perçoit déjà un bon salaire ? Idem du côté de l’entreprise. Pourquoi financer la formation d’un salarié qui ne restera plus que quelques années dans la société ? L’horizon est trop court. Le diable, c’est donc bien ce couperet, qui fait que l’on passe d’une vie active à une retraite totale, là où les partenaires sociaux devraient imaginer des dispositifs de retraite progressive, avec horaires aménagés, temps partiel, lutte contre la pénibilité…