Jean-Paul Agon, Président de L’Oréal vient à son tour de tirer sur les stock options en déclarant dans le Journal du Dimanche du 19 février que « les stock options polluent le débat » sur la rémunération. S’il est drôle que ce soit souvent de grands bénéficiaires de cet outil qui le fustigent, il y a près de vingt ans un Premier Ministre de cohabitation, aujourd’hui un patron d’une société du CAC 40, il n’en est pas moins intéressant de chercher à comprendre pourquoi les stock options sont, année après année, la cible de fortes critiques.

Les stock options mélangent deux problématiques de l’entreprise, l’une salariale et l’autre actionnariale. Les stock options ont pour vocation d’intéresser des salariés d’une entreprise à la valorisation de celle-ci, avec pour objectif affiché de faire converger ainsi les intérêts des actionnaires avec ceux des salariés. Mais le succès des stock options a reposé dès l’origine sur de mauvaises raisons : il s’agissait notamment de rémunérer des salariés sans en inscrire la charge dans le compte de résultat. En outre, la société comme le bénéficiaire profitaient d’une fiscalité plus avantageuse : pas de charges sociales et une imposition des plus-values alors nettement plus favorable que celle des revenus du travail. Ces mauvaises raisons, tant d’affichage que fiscales, ont depuis longtemps été rognées. Les stock options font l’objet d’un statut fiscal spécifique. L’imposition des gains issus des stock options n’a aujourd’hui plus grand-chose à envier à la fiscalité des salaires. À partir du 1er juillet prochain, avec des contributions sociales qui devraient passer à 15,1%, le taux maximal de prélèvements sur les gains devrait être de 55,1%. Quant à l’avantage comptable, les normes internationales obligent depuis une dizaine d’années à inscrire en charge un équivalent de rémunération. Et comme nous l’avons déjà exposé dans un post précédent, les normes comptables ont plutôt tendance à imposer une surévaluation de la rémunération offerte par les stock options.

Pour autant, il apparaît pertinent pour les actionnaires de savoir les managers-clé intéressés à une amélioration de la valorisation de leur société et ce sur une période relativement longue (4 à 7 ans). La solution apportée il y a quelques années par le législateur et sur laquelle Jean-Paul Agon a déclaré souhaiter s’appuyer à présent consiste à offrir aux managers des actions, dites de performance car le nombre exact qui sera finalement octroyé au manager est fonction de critères de performance à court moyen terme.  La valeur des actions est par nature moins volatile que celle des options. Le manager perd ainsi un des bénéfices de l’option : sa forte sensibilité à l’évolution du cours de l’action qui permet un potentiel de gain important en cas de hausse du cours de l’action. A contrario le manager bénéficiaire d’actions gagne en sécurité : il peut générer des revenus même en cas de baisse de l’action sur la période considérée, configuration qui aurait vu le détenteur d’option tout perdre. Ce dernier cas de figure illustre clairement qu’avec les actions gratuites les intérêts des actionnaires et des managers sont moins corrélés. L’attribution gratuite d’action apparaît comme un outil de rémunération, cependant fonction de l’évolution de la valeur de la société.

Ne vaudrait-il pas mieux cesser toute confusion entre intéressement et association ? Les stock options portent en elles cette confusion entre rémunération et capital et sont pour cette raison mal comprises. La réponse apportée par les actions gratuites n’est pas plus satisfaisante de ce point de vue. S’il s’agit de rémunérer des salariés de l’entreprise, il est préférable de ne pas utiliser la valeur de la société, jugée souvent trop aléatoire, comme élément de détermination des revenus.

Pour autant, ce n’est pas une raison pour freiner l’association des managers au capital. Mais cela doit être mis en œuvre hors tout élément de rémunération, c’est-à-dire au travers de titres donnant accès au capital souscrits à un juste prix. L’achat d’actions peut se révéler difficile compte tenu des sommes nécessaires qui peuvent rapidement devenir importantes pour une personne physique. Les bons de souscription d’action (BSA) permettent de bénéficier d’un levier sans faire appel à l’endettement. Le manager peut ainsi, en mobilisant des sommes limitées, bénéficier d’un vrai statut d’actionnaire, avec tant le potentiel que le risque, accentués par l’effet de levier. Les BSA ressemblent par leur profil de gain potentiel aux stock options, mais ils sont d’une nature toute différente s’ils sont payés, à leur valeur, par des managers qui auront choisi librement de prendre un risque en capital, sans lien avec leurs packages de rémunération.