Alors que la finance islamique existe dans tous les pays à majorité musulmane, elle n’est présente en Europe et plus particulièrement en Angleterre que depuis les années 90. En France, il n’y a volonté d’ouverture que depuis 2007 et les ambitions en la matière ne sont pas encore à la hauteur du sujet, notamment pour le premier pays européen avec plus de 6 millions de musulmans).

 

Certes le cadre juridique et fiscal s’aménage petit à petit, des décisions sont prises par l’administration fiscale ou par l’AMF, madame Lagarde fait des déclarations qui marquent les esprits, des toutes premières structures se mettent en place, un comité charia ACERFI rassemble des spécialistes de la jurisprudence musulmane, le Conseil Français de la Finance islamique développe ses missions d’assistanat, … mais la mise en place de règles claires et bien définies reste encore timorée. Et pourtant c’est tout le secteur financier qui attend ces avancées, que ce soient les grandes banques françaises prêtes à lancer des produits répondants aux principes de la charia, que les fonds internationaux qui gèrent déjà des sukuks cotés et qui pourraient passer par la place de Paris.

 

Alors que faire, en cette période de crise ? Les journalistes font de temps en temps un dossier spécial sur ce thème, la DFCG a elle-même diffusé un dossier sur la finance islamique dans son numéro de Juin 2009, les livres se multiplient abordant les bases, les besoins, les règles ou les anticipations de ce que devrait être la finance islamique à la française, et certaines grandes écoles créent des formations du type « Islamic banking and finance ».

 

Le gouvernement reconnaît une utilité sociale, des perspectives internationales et d’autres opportunités à la finance islamique, en précisant que ce sera l’un des axes du développement de la place financière de Paris. Ce que confirme Arnaud de Bresson, responsable de Paris Place Financière.

 

Paris devrait aussi profiter des investissements d’origine islamique pour le financement des entreprises et attirer des investisseurs étrangers ou des fonds souverains des pays du golfe. Les intérêts financiers de la France et de ses entreprises passent par ces sources de liquidité potentielles en temps de crise. Quel est donc cet intérêt stratégique sur le long terme? L’intérêt économique est-il si évident ?

 

D’un point de vue financier, les marchés islamiques fin 2008 représenteraient plus de 700 Md$ (source Moody’s) même si le marché reste encore très largement dominé par les banques venues des pays arabes. La présence de banques occidentales sur les marchés islamiques n’est bien évidemment possible que dans le respect des principes issus de la Charia qui déclarent comporter un aspect éthique et des garanties pour les souscripteurs supérieurs à ceux des produits financiers lambda : pas de produits dérivés, limitation en principe de la spéculation, bannissement de l’usure, ce sont là des éléments qui peuvent être perçus comme une garantie certaine, mais quels sont vraiment les produits financiers islamiques disponibles sur nos marchés !

 

En attendant la publication du projet de réforme, faut-il plébisciter les vertus des produits et des marchés islamiques ? Et au fond, qu’en attendent les principaux intéressés, à savoir les musulmans français? L’introduction de la finance islamique leur apportera-t-elle des avantages qu’ils ne connaissent pas avec les financements traditionnels, notamment au niveau de l’immobilier ? Allant plus loin, quelles seraient la conséquence d’une large diffusion de produits dits islamiques sur le territoire français ? Devrait-on s’attendre à des réactions de rejet, de nature culturelle, sous le prétexte inattendue d’une « islamisation par la finance » ?

Et vous qu’en pensez-vous ?

 

Georges Couvois