La golden share, ou action spécifique (quand elle est attribuée à l’Etat), a été introduite en France par la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

Cette loi a permis la création d’actions aux caractéristiques particulières pour permettre à l’État de conserver un droit de veto sur certaines décisions stratégiques ou de lui octroyer des droits spécifiques décorrélés de son poids dans le capital des entreprises privatisées. Depuis, ces actions spécifiques ont évolué et sont utilisées aujourd’hui dans divers contextes financiers comme pour les Management Company (ManCo) de LBO ou pour offrir une protection accrue aux créanciers et faciliter la restructuration des entreprises en difficulté.

Les droits pouvant être attachés à une action spécifique figurent dans l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, modifiée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « loi Macron », et la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi PACTE ».

Au fil des années et afin de répondre à des besoins concrets, ces évolutions législatives ont permis l’utilisation des golden shares dans d’autres circonstances que celles de la protection des intérêts du pays et notamment dans le paysage financier français en jouant un rôle clé dans la gestion des situations de défaut.

Les golden shares et le financement

Dans le cas d’un financement (très souvent dans des opérations de LBO avec des investisseurs dits « unitranche »), la golden share est une action de préférence généralement attribuée à l’agent des sûretés (il peut arriver que le créancier décide de la détenir directement) qui l’a souscrit pour une valeur modique. Elle se démarque des actions ordinaires par les privilèges qui y sont rattachés. Lorsqu’elle est exercée, elle confère le contrôle des droits de vote (mais non du capital) de l’entreprise en défaut. Suite à l’activation de la golden share, cette particularité permet de provoquer un changement de direction, une restructuration des actifs, la vente de l’entreprise ou d’actifs, et toute autre mesure expressément conférée par la documentation afférente à la golden share à son titulaire.

L’introduction des golden shares dans les deals de financement vise à améliorer et compléter le package des sûretés. La golden share est souvent accompagnée par une fiducie dans laquelle elle est encapsulée, renforçant encore plus sa robustesse en cas d’exercice. La fiducie permet de transférer temporairement la propriété des actifs à un fiduciaire, qui les gère au bénéfice des créanciers. Cette combinaison de golden share et de fiducie offre une protection accrue aux créanciers tout en maintenant une parfaite transparence des instruments de sûreté pour l’emprunteur tant que la golden share n’est pas activée.

Contrairement aux garanties traditionnelles comme l’exercice d’une sûreté sur un nantissement d’actions ou leur mise en fiducie, qui entraînent la perte des droits de propriété et de vote, l’activation d’une golden share n’affecte que les droits de vote. Cela en fait un outil puissant et moins invasif, permettant aux créanciers de prendre des décisions stratégiques sans perturber le profil capitalistique de l’entreprise.

Facilité d’utilisation et alignement des intérêts

Les golden shares sont faciles à utiliser et constituent un outil d’alignement des intérêts des créanciers et de l’emprunteur. Pour l’emprunteur en défaut, l’exercice d’une golden share peut être une bénédiction déguisée. Le prêteur et la nouvelle direction, mise en place par le prêteur, prennent les rênes et engagent l’entreprise vers une restructuration maitrisée et financée. A l’issue de ce processus lourd et intense (aboutissant en général à une vente ou un refinancement de la dette), les gains financiers bénéficient finalement à l’actionnaire d’origine.

Précision des termes d’activation

Il existe déjà des cas d’activation de golden shares en France ; les pratiques de marché commencent à émerger et les stress-tests contentieux, grandeur nature, voient également le jour. Il est, dès lors, crucial de définir précisément les termes d’activation de cet instrument. Ils doivent être clairement définis dans les accords de financement pour éviter toute ambiguïté et garantir une transition en douceur en cas de défaut, c’est-à-dire sans que le prêteur puisse apparaitre a posteriori comme prenant le contrôle de la société de façon indue ou de force.

Cas pratiques et exemples d’utilisation

Pour illustrer l’efficacité des golden shares, nous pouvons examiner quelques cas pratiques. Par exemple, une entreprise en difficulté financière peut voir ses créanciers exercer leur golden share pour remplacer la direction actuelle par une équipe de gestion spécialisée dans la restructuration. Cette nouvelle direction peut alors mettre en œuvre des mesures de redressement, telles que la réduction des coûts, la réorganisation des opérations et la recherche de nouveaux investisseurs.

Un autre exemple pourrait être celui d’une entreprise technologique en pleine expansion qui rencontre des problèmes de liquidité. Les créanciers peuvent utiliser la golden share pour prendre le contrôle des droits de vote et restructurer la dette de l’entreprise, tout en maintenant les fondateurs en place pour continuer à diriger l’innovation et le développement des produits.

Avantages et inconvénients des Golden Shares

Avantages des Golden Shares
  • Activation : En cas de non-respect des termes des golden shares, les créanciers sont en mesure de les exercer avec transparence et rapidité sans perturber la structure de propriété de l’entreprise.
  • Protection accrue : En combinant les golden shares avec une fiducie, les créanciers bénéficient d’une protection accrue de leurs investissements.
  • Alignement des intérêts : Les golden shares permettent d’aligner les intérêts des créanciers et de l’emprunteur, en offrant à ce dernier une chance de redressement.
  • Flexibilité : Les golden shares permettent une grande flexibilité dans la gestion des situations de défaut, en offrant aux créanciers la possibilité de prendre des décisions stratégiques.
Inconvénients des Golden Shares
  • Complexité juridique : La mise en place des golden shares, comme toute sûreté, est complexe sur le plan juridique, nécessitant une planification et une exécution minutieuses.
  • Risque de conflits : L’activation des golden shares peut entraîner des conflits entre les créanciers et les actionnaires, notamment en ce qui concerne la mise en place d’une nouvelle direction.

 

Les golden shares offrent une méthode innovante et efficace pour gérer les situations de défaut. Leur flexibilité et leur capacité à permettre une action rapide peuvent être cruciales pour redresser une entreprise en difficulté.

En conclusion, les goldens shares sont un instrument financier innovant qui mérite d’être considéré compte tenu de sa capacité à offrir une protection accrue tout en permettant une flexibilité précieuse dans la gestion des situations de crise. Les golden shares sont aussi brillantes que leur nom le suggère, et leur utilisation croissante en France témoigne de leur potentiel.