Le monde associatif évolue dans un environnement en pleine mutation, pourtant, le modèle de gouvernance des associations n’a pas forcément évolué et n’est souvent plus en adéquation avec l’environnement dans lequel elles évoluent. Pourquoi une « bonne » gouvernance est-elle si importante ? Doit-on appliquer la même gouvernance à chaque association ? Comment améliorer la « gouvernance associative » ? La gouvernance associative se définit comme « un ensemble de bons comportements permettant aux dirigeants d’organismes sans but lucratif de s’appuyer sur des organisations efficaces et lisibles pour exercer sereinement leur fonction »1. Voici les bonnes feuilles de l’ouvrage, Gouvernance des organisations aux Editions Dunod, co-écrit par Anne Defrenne avec l’appui de Thierry Legrand, Associé et expert dans le secteur associatif, sous la direction de Jean-Michel Huet et Viviane Neiter.

Quels modèles de gouvernance associative ?

Modèle 1 – La gouvernance militante, des valeurs portées par le collectif

« Dans ce premier type d’association, l’essentiel des actions collectives menées ont un but militant. Ces associations n’hésitent pas à s’impliquer dans le débat public, il y a une volonté de marquer l’opinion publique. Dans ce type d’association, tous les membres des organes de décision (Conseil d’administration, assemblée générale…) sont tous responsables statutairement de l’association. Ce rapport de forces équitable entre les responsables permet ainsi d’échanger plus facilement sur l’orientation de l’association et de créer un débat constructif. Les membres de ce type d’association veulent garder une proximité importante avec leurs financeurs. En dernier lieu, le dirigeant peut également être ou non un acteur incontournable de l’association ».

« Pour les associations militantes, les principales problématiques sont liées aux relations de l’association avec les pouvoirs publics ».

« Il conviendra pour ce type de gouvernance militante de légitimer la parole donnée de l’association en ayant recours à des « experts » (médecins, chercheurs,…) ».

Modèle 2 – La gouvernance professionnalisée : un modèle proche de l’entreprise

« Dans ce deuxième type de structure, l’association se rapproche de l’entreprise mais elle y intègre des principes associatifs. L’association se professionnalise et tend à faire diminuer le bénévolat. Les membres des organes de direction comme le Conseil d’administration ou l’assemblée générale sont avant tout choisis pour leur compétence et leur capacité de gestion et ont une fonction de surveillance de l’appareil exécutif. Dans ce type de structure, la gouvernance est très formalisée ».

« Les principales problématiques de la gouvernance associative sont liées à la professionnalisation de l’association. Les organes de gouvernance de ces associations comprennent des « experts » et des « non experts ». Les experts ont souvent plus de légitimité et leur parole est plus considérée. Ainsi, les propositions d’idées quant à la direction de l’association ou les orientations stratégiques à adopter sont souvent décidées par ces « experts ». On peut regretter le manque d’équité entre les membres des organes décisionnaires et le manque de prise en considération de la parole des « non experts ». Il conviendra pour ce type de gouvernance d’impliquer davantage les « non experts » dans les prises de décision de l’association ».

Modèle 3 – La gouvernance resserrée, un besoin de renouvellement des personnes clés

« La gouvernance dans ces associations s’articule essentiellement autour d’un ou de plusieurs membres clés, il peut s’agir par exemple du président ou du dirigeant. Le président s’implique la plupart du temps au maximum dans la vie de l’association. Un problème se pose donc tout naturellement dans ce type de structure : les autres parties prenantes internes (bénévoles, salariés) ont en général du mal à exister et se laissent porter par le président ou le dirigeant. Ces derniers sont les principaux décideurs et ils peuvent conserver parfois longtemps leur mandat. La limitation des mandats des personnes-clés dans les statuts de l’association est par exemple une solution ».

« Il conviendra également pour ce type de gouvernance resserrée d’impliquer davantage les membres dans la vie de l’association et dans les prises de décision ».

Modèle 4 – La gouvernance externalisée, la nécessité de mobiliser

« Dans ce quatrième type d’association, les parties prenantes externes comme les donateurs, usagers ou même les financeurs occupent un rôle majeur dans les prises de décision. Les outils de gestion restent encore peu développés et peu formalisés. Les membres du Conseil d’administration siègent souvent de droit de ce fait l’implication dans le projet associatif est moins forte. Les valeurs et les messages portés par l’association restent donc en arrière-plan.

Le président a également un pouvoir plus limité. Les apports d’idées ainsi que la créativité restent faibles que ce soit au sein du Conseil d’administration ou bien de l’assemblée générale. Ces associations sont souvent dirigées par des acteurs externes.

Dans ce type d’association externalisée, il conviendra de faire participer les acteurs externes mais également les acteurs internes au processus de décision. Cet enjeu reste donc la principale difficulté pour ce type de gouvernance.

Il apparaît donc évident que les problématiques de gouvernance associative rencontrées entre les différentes associations ne sont pas identiques. On retrouve plusieurs types de problématiques allant des simples questions de règles de fonctionnement au sein de l’association, à l’adhésion au projet et aux valeurs du collectif ».

Recommandations pour la gouvernance associative

Face à ces problématiques, nous proposons des recommandations en termes de gouvernance associative :

Une démocratie interne, indispensable à la gouvernance associative

« Une gouvernance démocratique apparaît comme un point essentiel au bon fonctionnement de l’association afin que chaque salarié soit motivé et se sente impliqué dans la vie de l’association. Cette démocratie interne peut se traduire par une limitation des pouvoirs et du champ d’action des dirigeants dans les statuts de l’association. L’enjeu de la démocratie interne peut se réaliser par des mesures prévoyant par exemple le renouvellement des dirigeants parmi les membres de l’association qu’il soit salarié, bénévole, expert ou non expert ».

La transparence, un gage de qualité et de confiance

« La transparence reste également quelle que soit l’organisation un signe incontournable de confiance envers les associations. Concernant la transparence des associations, le Comité de la charte du don en confiance2 préconise une communication régulière et spécifique à l’ensemble des acteurs internes et externes sur la façon dont l’association est gouvernée. L’objectif est notamment de permettre au donateur de se forger sa propre opinion sur l’association ».

Les motivations des membres de l’association

« L’autre point important concernant la gouvernance des associations reste le fait de faire participer aux processus de décision l’ensemble des acteurs de l’association qui étaient jusque-là encore trop oubliés. Le facteur humain dans une association est déterminant tant pour les salariés que pour les bénévoles qui participent aux actions collectives. Cependant une gouvernance associative se construit et ce à travers plusieurs choses ».

« Tout d’abord, les statuts devront être revus afin de permettre l’accès, à tous les acteurs de l’association, au processus de décision. » « Tout le challenge sera alors de réussir à créer une vision commune (…) Une gouvernance devra donc s’articuler autour d’une vision participative fondée sur plusieurs principes comme la transparence, l’implication des salariés mais aussi la poursuite de projets collectifs ».

Faire participer tous les membres de l’association ?

« La participation est donc un moyen de forger l’adhésion (…). Cependant, une problématique revient souvent lorsqu’est évoqué le sujet de la participation interne. En effet, l’une des caractéristiques intrinsèques d’une association se concrétise notamment par la garantie d’expression et de participation de ses membres. Cependant, une association doit-elle intégrer dans son processus décisionnaire les « non experts » ? Toutes les associations se posent la question de savoir si elles doivent intégrer les parties prenantes de l’association (bénévoles, salariés, usagers, bénéficiaires, partenaires) dans le processus de participation mais la question des « non-experts » est souvent oubliée ».

« En principe, « experts » et « non-experts » se côtoient dans les organes de décision, mais dans les faits certaines associations, surtout celles fondées sur la qualité de leur expertise, accordent une plus ou moins grande légitimité aux parties prenantes « non experts » dans le processus de participation ».

Les organes décisionnaires sont-ils compétents ?

« Cette opposition entre « experts » et « non-experts » pose une autre question, les personnes siégeant aux organes décisionnaires sont-elles compétentes ? La problématique de la participation à la gouvernance se rattache donc à celle de la compétence des acteurs au service de la gouvernance. En effet, il est déterminant pour une association de connaître les compétences rattachées aux acteurs associatifs. Cependant une compétence peut évoluer ou régresser dans le temps. Il conviendra de prendre en compte la diversité des compétences des acteurs associatifs ainsi que leurs possibles évolutions. Les compétences attendues des membres des organes de gouvernance peuvent ainsi être décrites et diffusées au sein de l’association ».

Les innovations technologiques, outils au service du projet associatif

« Il apparaît impossible aujourd’hui pour une association de se passer des innovations technologiques et notamment celles du numérique ou de l’informatique. Ainsi les outils numériques comme internet se font une part de plus en plus grande dans les associations, par exemple les associations utilisent le web pour se créer une visibilité sur les réseaux sociaux ».

« Ces différents outils se développent et sont de plus en plus utilisés dans les associations ou bien au service des associations3». « Ils permettent de mettre en relation des acteurs parfois éloignés géographiquement mais également de renouveler la panoplie d’outils utilisés par l’organisation. Tout l’enjeu de ces outils est donc de développer le processus de communication de l’information dans l’organisation ».

« En conclusion, toutes les associations n’ont pas le même modèle de fonctionnement et donc de gouvernance. Même si elles sont composées des mêmes organes et acteurs de gouvernance, les associations fonctionnent de manière différente ».

« En fonction de ces catégories, il conviendra de développer une « démocratie » au sein de l’association en limitant par exemple les pouvoirs des dirigeants dans les statuts, d’impliquer tous les membres de l’association y compris les « non experts » au processus de décision, de favoriser une gouvernance participative fondée sur l’humain avec une vision commune du projet associatif, de former les acteurs de la gouvernance, de communiquer de façon transparente sur la façon dont l’association est gouvernée et financée, et de s’appuyer davantage sur les innovations technologiques à l’heure de la numérisation pour améliorer la transparence de la communication et les prises de décision. Il n’existe pas de réponse toute faite en termes de gouvernance associative : il s’agit de s’engager dans une démarche d’amélioration et de revitalisation ».

1. Citation de François Jegard dans le rapport d’Olivier Sampeur, « Gouvernance associative », 20.10.2009, p.4.

2. « Chartre de déontologie du don en confiance » mis à jour le 19/06/14, Comité de la Charte du don en confiance.

3. Rapport du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports : « Développement du numérique dans les associations et nouvelles formes de mobilisations citoyennes », 30 juin 2014.

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 14 décembre 2017.

Cet article a été publié dans le numéro 352 (septembre 2017) de la revue finance&gestion.