En janvier 2009 entrait en vigueur la LME. Cette loi sur les délais de paiement entre fournisseurs et clients est-elle efficace ? Pourquoi, en France, en est-on arrivé à passer par la loi pour encadrer les délais de paiement entre les entreprises ?

Une directive européenne en juin 2000

Il faut se souvenir des efforts qui ont été faits au niveau européen pour introduire dans le droit de chacun des pays de l’Union une « recommandation » visant à harmoniser les comportements de paiement des entreprises dans les différents pays, afin de lisser les écarts entre tous les délais et de lutter contre les retards de paiement. En effet, les délais de paiement entre les pays du nord de l’Europe et ceux du sud s’écartent considérablement et les négociations amiables pour obtenir une certaine harmonisation, sont restées infructueuses jusqu’à cette date.

En France, la loi NRE du 15 mai 2001 modifie le code de commerce

En 2001, la loi NRE (Nouvelle régulation économique) qui transpose en droit Français la directive européenne de juin 2000 pour lutter contre les retards de paiement, a modifié en France le code de commerce pour y introduire une notion de « droit supplétif ». Depuis le 15 mai 2001, les délais de paiement dans les transactions commerciales sont fixés à 30 jours, sauf disposition contraire (et sauf secteurs déjà règlementés à l’époque, comme la vente de produits frais, bêtes sur pieds, alcool). Le contrat prend alors toute son importance, imposant aux parties de définir entre elles les délais de paiement qu’elles s’accordent et de les respecter (des sanctions sont prévues avec l’application de pénalités de retard et une infraction relative au droit de la concurrence pour pratiques abusives et discriminatoires).

 

La liberté contractuelle devient un obstacle au bon fonctionnement de la concurrence

La liberté contractuelle a ses limites et provoque des distorsions de concurrence, notamment quand les parties en présence ne sont pas de taille égale et que le plus fort impose ses conditions. On peut constater alors que les PME sont victimes de ces rapports déséquilibrés. En outre, au sein de l’Union européenne apparaît une concurrence entre les pays qui pratiquent des délais de paiement très longs (généralement on y retrouve les pays du sud de l’Europe avec Italie, Espagne Portugal, Grèce) et ceux qui ont des pratiques vertueuses (pays du nord de l’Europe avec Danemark, Suède, Pays bas). La France est au centre de l’Europe avec des pratiques tirant sur celles des pays du sud, tandis que l’Allemagne notre principal partenaire économique, pratique des délais de paiement plus courts.

La réduction des délais de paiement ne peut pas être obtenue par la seule négociation

Force est de constater que la liberté de négociation de la réduction des délais de paiement est un échec. Cette incitation européenne n’a pas fonctionné, pas plus d’ailleurs que l’attitude des grands donneurs d’ordre vis-à-vis de leurs fournisseurs PME ou vis-à-vis de leurs sous-traitants n’a évolué.

Des délais de paiement trop longs pénalisent la trésorerie

Il faut rappeler que des délais de paiement longs impactent négativement la trésorerie de l’entreprise. En effet, les encaissements vont entrer dans l’entreprise au bout d’un certain temps, alors que les charges (par exemple les salaires) ont déjà été payées. Le décalage de trésorerie doit parfois être financé par la banque, ce qui peut conduire à certaines tensions.

Plus les délais de paiement sont longs, plus le risque est grand

De même des retards de paiement trop longs exposent l’entreprise à un risque d’insolvabilité accru, car le client peut devenir défaillant pendant ce temps supplémentaire, par exemple en déposant son bilan.

Allonger les délais de paiement, c’est perdre en compétitivité

Enfin, les entreprises qui pratiquent des délais de paiement longs connaissent un écart de compétitivité par rapport à celles qui pratiquent des délais plus courts, compte tenu notamment du coût du crédit – coût financier des délais de paiement, coût du risque, coût de gestion…

Le secteur du transport règlementé

La loi de 2006 sur les délais de paiement dans le secteur du transport a permis à ce secteur d’obtenir des résultats tout à fait significatifs notamment au niveau de la trésorerie. C’est à partir de ce résultat et des remarques formulées dans les paragraphes précédents que le gouvernement français a considéré qu’il n’y avait qu’une seule manière de faire avancer les choses : en passer par la loi.

Les délais de paiement encadrés par la loi

La LME a ainsi été votée en août 2008, avec un lot de dérogations temporaires pour certains secteurs d’activité, afin de donner aux entreprises le temps de faire évoluer leurs pratiques et pour faire taire les mécontentements de certaines fédérations professionnelles.

La LME est un succès
En 2010, on peut considérer que la LME est appliquée et qu’elle a permis aux entreprises de traverser la crise (2008/2009) sans trop de casse. Certes, les défaillances d’entreprises ont progressé de façon spectaculaire (2% du nombre des entreprises soit environ 70 000 entreprises pour 2009 alors qu’auparavant les défaillances se situaient à 50 000 entreprises environ chaque année), mais les entreprises françaises se sont globalement bien comportées par rapport à leurs voisines européennes et surtout les délais de paiement n’ont pas trop dérapé, ce qui se traduit par des situations de trésorerie bien contenues et moins tendues.

Une opportunité pour certaines entreprises dès la reprise

L’enjeu de 2011 est bien celui de la trésorerie, du Credit Management et des Credit Managers. Fin 2010 la sortie de crise est là et les entreprises doivent maintenant être tournées vers leur développement. Elles vont donc devoir être attentives à leur trésorerie pour en disposer suffisamment afin de financer la croissance et ne pas trop dépendre des banquiers. Comment peuvent-elles s’organiser pour ne pas perdre l’avantage acquis sur les délais de paiement et transformer en opportunités les avancées qu’elles ont réalisées depuis la LME ?