Dans une tribune des Échos du 19 octobre 2012, j’avais donné les arguments en faveur d’une régulation stricte de l’usage du cannabis plutôt qu’une politique de pénalisation tant de la consommation que de la production, comme c’est le cas aujourd’hui dans la majorité des pays, dont la France. La régulation apparaît en effet, sous certaines conditions, plus efficace que la pénalisation du point de vue des finances publiques, de la santé publique et surtout de la sécurité publique.

Les choses évoluant très vite, il est utile de faire le point sur l’évolution de ce dossier depuis les deux dernières années.

En France, rien. L’ancien ministre de l’éducation, Vincent Peillon, avait souhaité lancer le débat en 2012, sensible sans doute au fait que, selon des chiffres de la Commission européenne, 35% des Français entre 15 et 24 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis et surtout qu’ils jugent à 62% que l’accès au cannabis est « facile » ou « très facile ». Cela avait été interprété comme une gaffe. Le ministre avait été vivement tancé par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur. On voit mal la gauche, qui a du pain sur la planche en matière économique, se lancer dans un nouveau débat « sociétal » d’ici la fin du mandat présidentiel.

Il n’en va pas de même à l’étranger.  On connaissait la libéralisation néerlandaise et celle en cours au Portugal et en Italie. Récemment, les citoyens de deux États américains – Washington and Colorado – ont voté en faveur d’un système de licence pour la production et la distribution du cannabis à des fins récréatives. Le système est en place depuis le début 2014 et d’autres États vont suivre, sachant que 22 d’entre eux l’autorisent déjà à des fins thérapeutiques.

L’Uruguay a fait passer le même type de législation récemment, sous forme d’une autorisation très contrôlée.

Le tableau qui suit, tiré d’un récent article de Vox-EU, fait la comparaison des législations aux États-Unis, aux Pays-Bas et en Uruguay.

Tableau 1. Synthèse des lois sur le cannabis aux Pays-Bas, États-Unis et Uruguay

Les composants de la législation sont toujours un système de licence, à la fois pour produire et pour distribuer ; un système d’âge limite ; la prohibition de la distribution illégale, via un plafond sur le port autorisé ; et un système de taxes, comme cela est fait pour le tabac ou l’alcool. Les taxes doivent être mises au niveau maximum pour limiter la consommation, tout en restant compétitives par rapport à une offre illégale. Le mode de distribution fait encore débat : dans des « coffee shops » d’un type nouveau comme aux Pays-Bas (pays où la législation tolérante et unique aujourd’hui en Europe encourage un tourisme du cannabis, aux effets très contestés), ou bien par un réseau de type buraliste, un réseau aujourd’hui tristement en déclin en France.

Le débat est engagé en Allemagne, au Royaume-Uni, en Pologne. Il paraît vain de vouloir l’évacuer.

Plus significatif peut-être, un fonds d’investissement américain, The High Times Growth Fund, est actuellement en road show pour lever de l’ordre de 200 à 300 M$ à investir dans l’industrie naissante de la production et de l’usage légal de la marijuana. Voir cet article du Financial Times pour détail. Quantité de start-up suivent. Le marché atteint déjà, thérapeutique et récréatif tout à la fois, 2,6 Md$ cette année aux États-Unis. L’industrie du tabac planche sur le sujet, avec prudence toutefois, pour ne pas accroître son déficit d’image. M. Zaitz, un des partenaires du fonds High Times décrit ainsi le projet :  « Notre rôle est de faire en sorte que l’industrie du cannabis accroisse le niveau d’exigence du marché récréatif et puisse y répondre. S’il s’agit d’un nouveau secteur agricole, comment pouvons-nous créer la chaîne d’approvisionnement qui, comme pour le riz ou les produits laitiers, est capable de livrer un produit de haute qualité de manière renouvelable, durable et traçable ? »

Si les financiers s’y mettent !