La MIF ou directive européenne des marchés d’instruments financiers fête à peine le deuxième anniversaire de son entrée en vigueur qu’il est déjà question de sa refonte et de sa révision. Alors que Christine Lagarde confie une mission d’étude à Pierre Fleuriot, ancien directeur général de la COB, président du Crédit Suisse France, secondé par Jean-Pierre Hellebuyck d’AXA IM et Olivier Poupart-Lafarge, tous deux membres du collège de l’AMF, un certain nombre de voix se sont élevées contestant les bienfaits de la MIF. Le temps serait-il venu d’engager son procès ?

Rappelons les faits : en août 2006, la Commission européenne adopte la directive MIF. Ce texte pose les bases de l’ouverture à la concurrence du marché des bourses, jusqu’alors en situation de quasi-monopole. Cette réforme ne peut qu’être bien accueillie par les directeurs financiers, tant chez les émetteurs que chez les investisseurs. Elle doit en effet permettre d’abaisser le coût du capital en utilisant deux leviers :

• l’augmentation de la liquidité ;
• la baisse du prix des transactions.

Deux ans après, a-t-on bien le compte et les bénéficiaires sont-ils bien ceux qu’on attendait ?

L’augmentation de la liquidité est incontestable. De nouveaux acteurs, les MTF (Multi Trade Facilities), comme Chi-X ou Turquoise, captent aujourd’hui 25 % des échanges « visibles » sans que les volumes traités par les bourses traditionnelles aient pour autant diminué. Par ailleurs, ont émergé de nouvelles entités, appelées les « Dark Pool régulés », qui traitent les échanges de gré à gré de blocs de plus de 500 000 €, accroissant la liquidité pour les gros émetteurs. Ces échanges sont contrôlés par le régulateur. Par contre, en marge de son contrôle mais en toute légalité, le monde souterrain des « internalisateurs » a émergé à l’initiative des grandes banques de la place. La plus grande opacité règne à leur sujet. Or, les volumes traités par ces plateformes représenteraient entre 20 et 40 % du total des échanges, selon la Federation of European Securities Exchanges, qui tire la sonnette d’alarme : elles entraîneraient des distorsions de concurrence entre compte propre et clients tiers, seraient un terrain de jeu de choix pour des opérateurs souhaitant faire leurs prix, offriraient des conditions d’accès plus favorables aux gros émetteurs et enfin, multiplieraient les risques opérationnels.

Un bon point aussi côté coût des transactions. Ainsi, Euronext affiche des baisses de tarification de 20 à 40 %. Mais attention : l’investisseur dont la transaction est exécutée sur plusieurs marchés n’a pas vu baisser sa facture. Le principe de best execution, posé par les textes, ne porte en effet que sur les moyens que l’intermédiaire doit mettre en œuvre. Les gérants l’ont traduit en best selection, soit une sélection des courtiers effectuée selon des critères à l’appréciation des gérants. Ainsi, des critères qualitatifs comme la recherche ou l’accès aux équipes de direction des émetteurs peuvent peser plus lourd dans le choix du courtier que la compétitivité des prix ou la qualité de l’exécution des ordres. L’absence de critères non standardisés rend là encore le processus peu transparent.

Le deal de départ, disait un acteur, était de sacrifier un peu de transparence pour obtenir beaucoup de réduction de prix. N’aurait-on pas obtenu à la place beaucoup d’opacité pour finalement peu de gains ? La fragmentation des places aura certes permis d’augmenter la liquidité globale et de diminuer le prix unitaire des transactions, mais au détriment de la transparence, du contrôle et de l’égalité de traitement entre les acteurs. C’est de bien mauvais augure pour la concurrence et donc les prix futurs.

Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? La MIF a permis d’harmoniser la définition des services d’investissement entre les pays européens, d’alléger la structure des entreprises d’investissement de petite taille (principe du dirigeant unique), de favoriser et d’organiser le développement des marchés de matières premières. Elle donne l’occasion aux établissements bancaires de mieux connaître leurs clients. Enfin, elle oblige à réfléchir à l’organisation d’une régulation à l’échelle européenne pour, à terme, simplifier et rendre moins onéreux l’accès des entreprises aux marchés. C’est en ce sens que la DFCG entend participer à cette réflexion.