C’est par un ouvrage court et incisif qu’Olivier Piton, avocat de droit public vivant aux Etats-Unis et ancien conseiller à l’Ambassade de France à Washington, nous démontre que les Etats-Unis sont en train de s’européaniser. Explications…

L’élection présidentielle américaine, dont l’échéance aura lieu début novembre, est le reflet de profonds changements sociétaux – dont Donald Trump et Hillary Clinton sont l’incarnation.

Pour l’expliquer regardons dans le rétroviseur pour comprendre ce qui constitue un grand pays dont l’histoire est, finalement, assez récente.

Les racines américaines sont triples : amérindiennes d’abord (premiers occupants du territoire), britanniques ensuite (à l’origine de cet humanisme si caractéristique des américains) et françaises enfin (avec l’apport du siècle des Lumières et le don de la Louisiane que fit Napoléon). La force de ce pays – qui peut expliquer sa rapide hégémonie– réside dans sa capacité à accueillir l’immigrant.

C’est la guerre de 14 qui permettra à l’Amérique de trouver sa stature internationale face à une Europe dont la supériorité morale était incontestée depuis la bataille de Lépante en 1571. Et c’est évidement en 1945 que les Etats-Unis connaitront leur apogée aux yeux du monde : puissance militaire incontestée et incontestable mais également puissance économique et culturelle (on pense à la production Hollywoodienne)…

Ce leadership mondial décroitra progressivement ; la chute du mur de Berlin, pourtant voulue par l’Amérique, marquera la fin de cette hégémonie et laissera les Etats-Unis groggy de ne plus avoir d’ennemi désigné (« L’empire du mal » disait Ronald Reagan en désignant les communistes).

Les années 90, avec Bill Clinton, verront les USA reprendre confiance en eux grâce à une prospérité bienvenue qui permettra de résoudre bien des questions internes (amélioration de la situation des minorités, unité nationale….) mais qui poussera, paradoxalement, les américains à une certaine arrogance entrainant toute une série d’erreurs diplomatiques –on pense en particulier à la manière dont ont été menées les interventions afghanes et irakiennes et qui illustrent parfaitement ce qu’il ne fallait pas faire dans de telles situations (cf. l’ouvrage de David Galula « Contre-insurrection : Théorie et pratique »).

Le début du XXIème siècle est marqué par une espèce d’ethnocentrisme américain qui est la conséquence de ce que l’on vient de dire : le déclin d’un universalisme à l’origine mondial et qui se réduit aujourd’hui à l’Occident. L’auteur rejoint ici le point de vue d’Henry Kissinger développé dans son dernier ouvrage « L’ordre du monde ».

2001 sera un point de bascule pour les Etats-Unis : l’attentat contre le World Trade Center marque la fin du messianisme américain. Au bloc communiste succède le terrorisme islamiste – nouvel ennemi d’une Amérique à la recherche d’un leadership mondial – qui remet profondément en question les fondements même du modèle occidental.

Ce déclin est également vrai en termes économiques. Il est incontestable que la Chine prend une place économique et financière de plus en plus importante ; ce poids ne cesse de croitre –par un effet mécanique lié à sa population et à son territoire.

Face à cela nos deux candidats en lice adaptent leur discours. Les thèmes abordés, tant du côté des Républicains que des Démocrates, n’ont rien à voir avec les sujets de prédilection de leurs prédécesseurs. Ceux-ci se rapprochent de ce que l’on peut entendre de nos hommes politiques. Côté Républicains c’est le rêve des années Reagan qui ressurgit : galvaniser les américains face à un ennemi désigné ; lutter contre l’immigration (mais n’est-ce pas nier ce qui constitue intrinsèquement les Etats-Unis ?) ; promettre que l’Amérique retrouvera sa grandeur économique d’antan –en particulier face à la Chine. Côté Démocrates les réponses proposées sont souvent catégorielles : la classe moyenne, les immigrés, les homosexuels…Et c’est aussi la recherche de ce que fut l’âge d’or des Démocrates sous les années Clinton : un retour à la prospérité et une lutte sans merci contre l’ennemi de l’Amérique à travers un devoir d’ingérence et d’interventionnisme afin de généraliser les droits de l’homme.

Si le propos de l’auteur est atypique et bien étayé on regrettera qu’il n’ait pas approfondie les faiblesses de nos sociétés occidentales – qui peuvent expliquer la perte de leur hégémonie – ni les raisons pour lesquelles la Chine est en train de supplanter les USA au niveau économique.

Note : L’ouvrage d’Olivier Piton, « La nouvelle révolution américaine », est publié chez Plon.