Les futures règles Bâle 3 introduisent des coussins de liquidité plus épais que les régulations précédentes. Du coup, les banques sont à la recherche active de liquidités, et sous leur forme la plus immédiate pour une banque commerciale, à savoir les dépôts bancaires. C’est le cas particulièrement pour les banques françaises qui avaient traditionnellement développé toute une industrie de collecte de l’épargne dite désintermédiée (c’est-à-dire en dehors de leur bilan), via les OPCVM et Sicav ; et qui de plus disposaient, via leurs filiales de banque-assurance, de l’instrument de l’assurance-vie en euros (avec l’encouragement fiscal qu’on connaît).

 

Avec leur zèle tout militaire, les réseaux bancaires se déchaînent en ce moment à qui vendra le plus de ces produits « de bilan », essentiellement sous forme de comptes à terme.

 

Est-ce si habile que cela ?

  • Elles abîment ce faisant leurs filiales d’assurance et de gestion d’épargne, qui génèrent pourtant d’agréables commissions.
  • Elles risquent de déstabiliser le marché délicat des contrats euro de l’assurance-vie : rien ne serait pire aujourd’hui, avec la crise pendante sur la dette souveraine euro, qu’une ruée hors de ce segment vital de l’épargne française, avec peut-être de vilaines conséquences sur le marché des emprunts d’État français. Le moment est délicat : on ne voit plus guère les taux baisser et au contraire des signes de remontée ; et les réserves techniques des compagnies se sont vidées. La chaîne de solidarité propre à l’assurance-vie risque de se rompre (chaîne qui, on le rappelle, fait qu’un épargnant ancien accepte qu’un nouveau venu jouisse des bonnes conditions de rémunération sur les anciennes obligations qu’il détient – c’est-à-dire, en termes moins prudents, qu’il accepte une possible dilution de ses plus-values, sachant qu’il pourra dans le futur être lui-même gagnant au détriment d’autres épargnants).
  • Comme la concurrence fait rage entre réseaux et que les épargnants veulent des produits plus sophistiqués que les simples comptes à terme, les départements marketing des banques commencent à introduire des produits avec booster, avec taux progressifs, avec contenu actions, etc., au grand plaisir de leurs départements banque de marché. Mais ne nous y trompons pas : le régulateur verra assez rapidement les risques nouveaux pris par les banques et saura punir du côté du ratio de solvabilité ce qu’elles entendent gagner sur leur ratio de liquidité. De plus, c’est assez horrifique : on s’est assez plaints de la dérive des produits financiers opaques et non liquides lors du boom de la titrisation, et voilà qu’on les recrée au cœur même de l’activité de gestion des dépôts.
  • Les États tiqueront peut-être à faire jouer autant la garantie implicite des dépôts qu’ils délivrent.
  • Les superviseurs devraient se gratter la tête : les certificats de dépôts donnent à peu près la même liquidité aux banques. Le modèle hors-bilan n’est pas forcément condamné. De plus, est-il sage de freiner l’évolution naturelle du financement de l’économie vers le canal désintermédié du marché financier ? Ni trop, ni trop peu, comme toujours : s’il faut protéger les dépôts, sur lesquels est bâti le système des paiements et de la liquidité, il est imprudent de faire marche arrière et de développer à nouveau à l’excès un financement par crédit, avec les risques prudentiels associés.