Tous les constructeurs auto ont développé, à des degrés divers, des filiales de crédit automobile, pour aider leurs clients à acquérir leurs autos. GM avait vendu en son temps GMAC, sa filiale financière, mais pour en créer une de nouveau à partir de zéro.
 
Cette caractéristique confère aux groupes automobiles un statut financier particulier. Le cas de Renault est emblématique à cet égard. Renault est mal noté (junk), en raison d’un fort endettement, alors qu’il a plus encore de cash. Il a 8 Md€ de dette, mais 10 Md€ de cash.
 
Deux éléments-clé dans le raisonnement :
 
– Garder du cash par devers soi est le prix de la liquidité : la flexibilité financière est précieuse pour éviter ce qui est arrivé en 2008, quand l’Etat est venu à la rescousse de GM, ou comme ce qu’expérimente PSA aujourd’hui. Ce portage financier coûte de l’ordre de 200 M€ l’an de frais financiers nets à Renault.
 
– Les produits financiers (crédits auto) se vendent beaucoup mieux que des automobiles. La marge sur ces produits est très importante. RCI, la banque du groupe, gagne 700 M€ l’an.
 
Par conséquent, il est vital de garder pour Renault le meilleur rating, de façon à permettre à la banque de conserver son statut investment grade. Une dégradation de Renault signifierait une incapacité de la banque à se refinancer (junk voulant dire fermeture pour une banque). C’est ce qui explique les difficultés de PSA.
 
Pourrait-on vendre la banque interne, sachant sa profitabilité ? C’est une question pertinente : finalement, le fonds de commerce de la banque, c’est la clientèle de Renault et sa capacité à vendre des voitures et donc à apporter des clients à la banque. La vente voudrait dire céder un run-off des contrats de prêts. Suite à quoi, Renault remonterait illico une banque de novo, sur le modèle de GM. De la même façon, il doit être possible de révéler cette valeur d’apport et de trouver un partenaire qui sait la payer, choix apparemment fait par PSA.
 
Ces deux options sont rejetées : la valorisation des banques en général et des banques de groupe a fortiori est très faible, moins que les fonds propres. Et probablement, il n’est pas très sain d’extérioriser la rentabilité des opérations de crédit.
 
Enfin, les banques internes de groupe ne semblent pas connaître trop de concentrations de risque, bien qu’elles jouent le rôle de rachat des grandes créances commerciales du groupe, vers les concessionnaires, vers les grands loueurs, vers les partenaires industriels… Le coût en fonds propres du portefeuille de prêts n’est donc pas exorbitant.
 
Il est curieux que la concurrence entre constructeurs aboutisse à dévaloriser le véhicule à l’avantage des produits financiers associés ou des services liés. Ou bien est-ce le résultat d’une myopie du consommateur ou d’un vrai rationnement au regard du crédit ? Il y a ici une anomalie de marché. Mais on la retrouve dans quantité de domaines industriels. Par exemple, Safran vend ses turbines d’avion (co-produits avec GE) a un prix très bas, toute la rentabilité se faisant sur la maintenance.