Même si l’ambiance s’est un peu réchauffée ces dernières semaines, la conjoncture économique reste globalement atone. La plupart des entreprises, surtout les PME, sont prises en étau entre le recul du chiffre d’affaires et des tensions croissantes sur les trésoreries.

Concernant le premier point, même s’il semble que l’économie mondiale ait touché un point bas, la reprise sera, au mieux, lente et chaotique.

Concernant le second, il ne faut pas s’y tromper : les banques européennes sont sous-capitalisées, ce qui va se traduire par une croissance faible des encours de crédit, pendant plusieurs années. A plus court terme, l’augmentation des défaillances d’entreprises oblige les établissements prêteurs à adapter leur politique de risque et à rationner le crédit. Inutile de refaire le passé. C’est comme ça, et c’est durable. Les réglementations comme celles qui ont été proposées au G20 d’avril sont sans doute justifiées, mais elles auront plutôt tendance à restreindre le crédit bancaire que l’inverse. Autrement-dit, les entreprises, quel que soit leur secteur ou leur taille, évoluent aujourd’hui dans un contexte radicalement différent de celui de ces dernières années, fait de crédit facile, de croissance forte, au moins au niveau mondial, et d’augmentation (certes relative) des prix. Reprise ou pas, tout ceci est terminé.

Les directeurs financiers sont bien placés pour percevoir ces changements. Déjà, les thématiques de l’autofinancement et des augmentations de capital ont fait un retour en force. La course au cash, nécessaire pour se sentir autonome et en sécurité, continue de plus belle. Last but no least, la réduction des coûts est, partout, encouragée par les actionnaires. Les costs killers sont en première ligne, avec un bonheur inégal dans la mesure où les coupes dans les dépenses sont souvent ressenties par les clients comme un service moins performant. Il y a alors danger pour les entreprises concernées.

La crise constitue une occasion unique de se tourner vers ses clients. Quand elles évoluent dans un contexte de croissance forte, les organisations ont tendance à s’écouter de plus en plus, souvent au détriment de leur clientèle. Cette déviance est naturelle, puisque le chiffre d’affaires est porté par les conditions du marché. En période de crise, c’est le contraire : les entreprises qui subsistent, voire qui gagnent des parts de marché, sont celles qui proposent le plus de valeur au consommateur.

C’est pourquoi, plutôt que de réduction générale des coûts, mieux vaut parler de frugalité. En effet, la frugalité ne concerne que le back office. Elle ne doit surtout pas affecter l’offre au consommateur. Dit brutalement, le management doit manger des sandwiches pour avoir les moyens d’inviter les clients dans les grands restaurants. Ajoutons que la frugalité doit s’accompagner d’une grande flexibilité. A ce titre, les coupes dans les coûts, si elles sont bien pensées, constituent une occasion de simplifier et de raccourcir les processus de décision, ce qui doit permettre de mieux exploiter les opportunités qui émergent, y compris en période de crise.

Attention aussi à ne pas confondre réduction des coûts et des investissements. Par investissement, on entend aussi bien les dépenses d’équipement que les investissements en capital humain. En effet, si la période reste économiquement difficile, la reprise finira par arriver. Les entreprises les plus compétitives rafleront la mise, les autres sortiront de la crise affaiblies et le resteront. De nombreux patrons de PME, exerçant dans des secteurs particulièrement difficiles, ont eu, ces dernières années, beaucoup de mal à recruter et ont dépensé des sommes importantes en formation. Ce faisant, ils feront tout pour conserver et même continuer de valoriser ce capital humain si coûteux à constituer. Il y a là une implacable leçon de bon sens et de courage, notamment quand on voit certaines grandes entreprises penser licenciements au moindre coup de Trafalgar.

Bien sûr, il existe aujourd’hui des entreprises en grande difficulté, dont les carnets de commande sont vides, et qui n’ont plus la trésorerie nécessaire pour payer leurs salariés. Dans ces cas-là, l’unique question qui vaille est celle de la survie. Mais on voit aussi des entreprises dont l’existence n’est pas menacée et qui, pourtant, agissent comme si c’était le cas. Dommage pour elles. Dommage pour tout le monde.

Contribution originale de la DFCG pour Option Finance (05/09).