La régulation de la FinTech

Thomas Philippon, professeur à la Stern Business School de New York, a été honoré de nombreux Prix dont le Prix Turgot 2023[1], pour ses recherches sur la concurrence, notamment dans le secteur bancaire. Il constate que les dernières crises ont relancé la polémique sur la réglementation des activités bancaires.
Il observe que depuis 15 ans, la part des banques systémiques – dites too big to fail – dans les encours bancaires, n’a cessé de progresser, que leur « rente d’oligopole » a été consolidée et que des aides publiques sous diverses formes leur ont été accordées, sans qu’elles apportent des services réellement nouveaux à leurs clients. Les fusions et absorptions massives ont stratifié leurs couches de logiciels et complexifié leurs procédures. Dans le même temps, les banques régionales, spécialisées et/ou en ligne ont été moins encadrées, mais leurs parts de marché n’ont pas significativement progressé. Les pratiques des narrow et shadow bankings ont été partiellement règlementées après des crises circonscrites aux krypto-actifs et à des comportements délictueux. Le narrow banking recouvre les banques non systémiques qui « émettent des dettes fiables et investissent dans des actifs présentant peu ou pas de risque nominal »1. Le shadow banking regroupe principalement les fonds plus ou moins alternatifs négociés en bourse, de placement monétaire, de capital- investissement et de gestion d’actif[2].
La FinTech n’a été sanctionnée que lorsqu’elle a enfreint la confidentialité des données personnelles des clients. Les marges des start-up de la FinTech sont en fait plus faibles et leurs effets de levier plus forts. Elles apportent de réels avantages à la clientèle bancaire, notamment en matière de paiement mobile, de paiement réel instantané, d’usage de monnaies numériques et de robot-conseil. L’essor des conseillers automatiques développés par les FinTech suscite cependant la méfiance des épargnants et l’attention des régulateurs, car il risque de provoquer une véritable révolution bancaire. Les dernières recherches montrent que les services standardisés et transparents du robo-advisoring sont dans l’ensemble plus fiables que ceux des conseillers en agence bancaire et des courtiers. Ces derniers sont en effet soumis à des biais cognitifs et à des conflits d’intérêt, étant incités à soutenir leurs marges par des placements plus diversifiés et plus onéreux – mais pas toujours moins risqués- auprès de leurs clients.
Les observations précédentes issues de recherches scientifiques militent donc en faveur d’une révision de l’ensemble de la réglementation financière, destinée à favoriser les nouveaux entrants sur les marchés bancaires, à stimuler la concurrence et à harmoniser les pratiques face aux risques encourus par les différents acteurs de la chaîne financière.
[1] Th. Philippon, Les gagnants de la concurrence. Quand la France fait mieux que les États-Unis, Eds. Seuil, 2022, 418 pages.
[2] C.Mellios, JJ Pluchart (dir), Le shadow banking, Eds Eyrolles ,2015, 223 pages.