Graphique 1 : Répartition des PME en fonction du caractère plus ou moins élevé de leur endettement bancaire net (en % du nombre d’entreprises) Source : Banque de France, Anacredit et collecte ad hoc sur les dépôts bancaires.

 

La grande majorité des PME ont maitrisé leur endettement bancaire net

Ce billet mobilise des données granulaires bancaires inédites pour apprécier la situation financière des PME françaises à fin mars 2022. Nous utilisons des données sur les prêts ligne à ligne accordés par les banques françaises aux entreprises issues de la collecte AnaCredit et une collecte ad hoc mise en place en 2020 par la Banque de France auprès de plusieurs grandes banques françaises volontaires (représentant environ 57% de l’encours total des dépôts des entreprises). Cette collecte recense, ligne à ligne, les dépôts détenus par les entreprises clientes de ces banques. Le croisement de ces informations (y compris pour les entreprises multi-bancarisées) permet le suivi trimestriel de l’évolution de l’endettement bancaire et des dépôts d’environ 800 000 PME (y compris les TPE, soit au total des entreprises qui, d’une part, emploient moins de 250 personnes et, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 M€ ou un total de bilan inférieur à 43 M€).

Que nous montrent ces données individuelles ? Le Graphique 1 permet d’apprécier l’évolution de la distribution des PME en fonction de leur endettement bancaire net, défini comme la différence entre leurs encours de crédits et de dépôts bancaires. Les PME sont classées en trois groupes : en vert, les entreprises avec un endettement bancaire net « faible », en jaune les entreprises avec un endettement « moyen », et en rouge les entreprises avec un endettement « élevé ». Le caractère plus ou moins « élevé » de la dette est apprécié en fonction de références pré-Covid : l’endettement net est considéré comme « élevé » s’il est supérieur au 3ème quartile de la distribution à fin 2019 ; il est considéré comme « faible » s’il est inférieur au 1er quartile de la distribution à fin 2019 ; il est considéré comme « moyen » s’il est compris entre le 1er et le 3ème quartile de la distribution à fin 2019.

La crise sanitaire s’est accompagnée d’une légère déformation de la distribution de l’endettement net bancaire des PME, avec à la fois davantage d’entreprises avec une dette bancaire nette relativement faible et davantage d’entreprises avec une dette nette particulièrement élevée. On observe que : (i) à partir d’une situation avant-Covid, fin 2019, où par définition 25% d’entreprises avaient une dette bancaire nette dite faible, ce pourcentage est monté à 29% à fin 2020, et 31% en mars 2022 ; et, dans le même temps, (ii) le pourcentage d’entreprises avec une dette nette dite élevée est passé de 25% fin 2019 à 27% à fin 2020, et 28% en mars 2022. Cependant, la part des PME avec un endettement bancaire net très élevé (95ème centile) augmente très peu, passant de 5% à 6% entre décembre 2019 et mars 2022. Au total, la distribution de l’endettement net des PME se déforme relativement peu et cette déformation est davantage marquée vers des niveaux de dette moins élevés, ce qui suggère une certaine maîtrise de l’endettement bancaire net des PME.

La situation financière des PME résiste dans la majorité des secteurs d’activité

Tous secteurs d’activité confondus, moins de la moitié des PME (44%) ont augmenté leur endettement bancaire net entre décembre 2019 et mars 2022. Les situations varient d’ailleurs relativement peu selon le secteur d’activité : la proportion de PME ayant augmenté leur endettement bancaire fluctue entre 40 et 50%, la principale exception étant l’énergie où seulement 25% des PME ont augmenté leur endettement bancaire net. Par exemple, dans le secteur de l’hébergement-restauration, pourtant fortement impacté par la crise sanitaire, l’endettement net des entreprises a à peine plus augmenté que la moyenne. 55% des PME du secteur ont même diminué leur endettement bancaire net avec la crise. Les mesures publiques de soutien aux entreprises (dispositif d’activité partielle, fonds de solidarité, etc.) contribuent sans doute à expliquer cette situation (cf. le rapport final du Comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises confrontées à l’épidémie de Covid-19, présidé par Benoît Cœuré, 2021). Ceci tend aussi à montrer que, pour beaucoup d’entreprises, le recours aux prêts garantis par l’État (PGE) a entrainé une hausse de la trésorerie ou une diminution des autres crédits.

In fine, les PME françaises ont préservé leur capacité de remboursement

La dette et la trésorerie des entreprises sont des éléments centraux pour apprécier la situation financière des entreprises, mais elles ne peuvent résumer à elles seules toutes les forces et les faiblesses d’une entreprise. La cotation Banque de France, qui apprécie la capacité d’une entreprise à faire face à ses engagements financiers à un horizon de trois ans, synthétise l’ensemble des dimensions de l’analyse financière, en complétant de surcroit l’analyse quantitative par des éléments qualitatifs recueillis lors d’entretiens avec les dirigeants d’entreprise. La cotation Banque de France est donc un indicateur plus global que le seul endettement bancaire net pour savoir si la crise sanitaire a modifié la capacité de remboursement des entreprises.

Le graphique 2 présente l’évolution de la part des PME les moins bien cotées, à savoir de 5+ (capacité à honorer ses engagements « assez faible ») à 9 (capacité « compromise »), dans l’ensemble des unités légales constituantes des PME cotées par la Banque de France. Malgré un léger sursaut à 42% à la fin 2020, cette part retombe à 40% dès la fin 2021, un niveau proche de la moyenne de 2012-2019 (39% avec un écart type de 1,0 point de pourcentage). Si la situation des entreprises les plus fragiles demandera une attention particulière dans les années à venir, on peut toutefois raisonnablement considérer que la crise sanitaire n’a pas bouleversé la capacité de remboursement des PME.

 

Graphique 2 : Part des PME cotées 5+ à 9 dans l’ensemble des PME cotées Banque de France Source : Banque de France, base FIBEN. Notes : La cote est considérée au 31 décembre de l’année. Les cotes 0 (« Aucune information défavorable ») et P (« En procédure collective ») ne sont pas prises en compte.

 

 

Cet article a été publié dans les Bloc-Notes Éco de la Banque de France. Il est repris par Vox-Fi avec due autorisation.