La croissance française a été confirmée à 0 % au 2e trimestre 2012 (-0,14 % en taux annualisé). Sur un an, sa progression est de 0,25 % et l’acquis pour 2012 à la fin du 2ème trimestre est de 0.15%. Ce chiffre est à comparer avec la progression de 1,7 % constatée en 2011.

On observe que depuis un an, le niveau du PIB est étale. La reprise qui avait été constatée à partir du printemps 2009 s’est arrêtée. Le niveau du PIB s’écarte de façon significative de la tendance calculée sur la période d’avant crise.

Dans la décomposition et les explications de cette évolution de l’activité on note sur le trimestre la faible progression de la demande interne (contribution de 0,55 en taux annualisé), reposant sur les dépenses publiques et l’investissement des entreprises. En négatif, les ménages ont réduit leur consommation. Le commerce extérieur a eu une contribution négative (-1,8 %) en raison de la hausse rapide des importations alors que les exportations peinaient à maintenir une allure positive.

La constitution de stocks a eu une contribution positive (1,1 %)

La seconde publication des comptes nationaux permet d’avoir le détail des comportements tant des entreprises que des ménages.

On dispose également de l’évolution sur longue période du taux de marge des entreprises non financières avec deux indicateurs. L’un est le taux de marge calculé par l’INSEE (RBE sur VA), l’autre est le différentiel entre l’évolution des prix de production et celle des coûts salariaux. Le parallèle entre les deux traduit un changement du poids des entreprises dans leur environnement. On observe la rupture du début des années 80. Ce retournement brutal s’est ensuite progressivement étiolé sous l’impulsion d’une hausse beaucoup plus rapide des coûts salariaux que de la productivité. Une conséquence immédiate est la hausse permanente des coûts salariaux unitaires. Cette situation a deux conséquences. La hausse limitée de la productivité s’est traduite par une baisse progressive des entreprises à imposer leurs conditions. Dans le même temps la hausse des coûts salariaux a de façon mécanique réduit les marges. La combinaison des deux reflète des entreprises de la plus petite à la plus grande qui subissent une dégradation. Le coup d’accélération à la baisse des marges reflète bien la rupture sur la productivité alors que les coûts salariaux continuaient de croître fortement.

Cette rupture n’a pas cependant profité aux consommateurs salariés car leur pouvoir d’achat a stagné depuis 2007. La hausse des coûts salariaux ne s’est pas traduite par une progression similaire du pouvoir d’achat.

De plus dans l’environnement dégradé du marché du travail, les ménages ont eu tendance à accroître leur épargne. Le taux d’épargne était de 16,4 % au deuxième trimestre contre une moyenne un peu inférieure à 15,5 % depuis 1995. C’est un comportement habituel avec une baisse de l’épargne lorsque la situation s’améliore notamment sur le marché du travail et une hausse de celle-ci lorsque l’emploi devient plus précaire.

Ce qui est important ici est de percevoir des comportements contraints que ce soit du côté des entreprises (taux de marge très faible) ou des ménages (pas de hausse du pouvoir d’achat).

Cette situation fragile se retrouve d’ailleurs dans le comportement de demande de ses deux acteurs majeurs de l’économie. Celle-ci, est au même niveau qu’avant la crise de 2008. Ses composantes ont chacune une allure très différenciées. La consommation des ménages a peu progressé comme on le constate (1,44 % par rapport à la moyenne du premier semestre 2008 à la fin du T2 2012). L’investissement a chuté de façon spectaculaire et n’a toujours pas en vue le niveau observé avant la crise. Ceci s’observe pour l’agrégat mais aussi pour les différentes composantes. L’investissement des entreprises non financières est ainsi, au 2e trimestre, 5,8 % en dessous de son niveau de 2008, l’investissement public à 6,5 % et l’investissement logement à 11,8 %.

On observe aussi que le seul vecteur de soutien de la demande interne sont les dépenses du gouvernement.

Depuis le début de l’année 2011 la contribution de l’agrégat de la contribution à la croissance des dépenses privées (consommation des ménages, investissement des entreprises et investissement logement) est proche de 0 %.

 

Quel scénario pour le projet de loi de finance 2013 ?

Le gouvernement prévoit 0,8 % de croissance en 2013 après 0,3 % en 2012. La question est l’histoire qui doit être écrite pour valider ce chiffre. La demande privée n’est pas sur une tendance très robuste. Spontanément sans changement positif de l’environnement il ne faut pas imaginer un retournement brutal à la hausse de ses composantes. Dès lors, pour limiter le risque sur l’activité, les dépenses publiques peuvent et doivent continuer à avoir un rôle particulier.

La crise que connaît la zone euro n’est pas au départ une crise de la dette publique mais une situation où les agents privés ne veulent pas dépenser davantage parce que l’environnement est anxiogène. Les dépenses publiques ont dû prendre le relais pour limiter le risque sur le niveau de l’activité et de l’emploi. Cela se traduit par une accumulation de dette publique. Mais ce n’est pas parce qu’il y a de la dette publique que les pays européens sont en crise.

Dès lors tant que le secteur privé n’aura pas retrouvé une allure plus robuste, les dépenses publiques auront un rôle majeur dans la régulation conjoncturelle. Le premier graphique en témoigne. En d’autres termes, la question posée est simple avec le projet de loi de finance qui se traduira par une hausse de la fiscalité de 20 Mds : les ménages et les entreprises dépensent peu et les règles vont être modifiées avec cette hausse de la fiscalité. Cela ne sera pas neutre sur les comportements. Si dans le même temps les dépenses publiques sont réduites, la question posée est alors celle de savoir qui adressera la demande supplémentaire nécessaire pour atteindre les 0,8 % attendues en 2013. Quelle histoire, quelle scénario est avancé pour caler ces chiffres de croissance ? Spontanément, ces ajustements et la réduction des dépenses de l’État devraient se traduire par une réduction de l’activité. On aura probablement un chiffre de croissance négatif (au voisinage de 0-).

Un autre point de préoccupation est la convergence rapide vers le niveau de croissance de 2 %. Ce chiffre correspond à la moyenne de la croissance constatée avant la crise. Sur quelle hypothèse est faite cette convergence rapide ? La croissance potentielle est potentiellement plus fragile en raison de la faiblesse de l’investissement depuis le début de la crise. Si cette hypothèse devait être remise en cause alors le solde budgétaire structurel serait lui aussi remis en cause puisqu’il s’appuie sur ce chiffre de croissance fort. Là aussi quelle histoire est racontée pour expliquer cette convergence rapide.

Il reste beaucoup d’éléments à éclaircir, beaucoup d’histoires et de scénarii à raconter pour que ces chiffres deviennent convaincants. Si l’objectif de croissance n’est pas atteint, l’objectif de déficit ne le sera pas non plus.