La société numérisée ou l’éternel (heureux) retour du libéralisme
Le courant de pensée incarné par Turgot, reconnu comme l’un des grands concepteurs d’une politique de redressement des Finances Publiques, apparaît chaque jour un peu plus d’une profonde modernité face aux dérives de la situation financière de la Nation :
« une pente despotique »[1] d’addictions aux déficits et au surendettement que souligne régulièrement la Cour des Comptes, laissant de marbre l’Exécutif …….
Dans ce contexte de contraintes, d’entraves et de charges administratives et fiscales étouffantes qu’incarne la politique de l’Etat aujourd’hui pour nos concitoyens, la théorie libérale issue des Lumières, qu’incarnait Turgot, reprise dans sa célèbre lettre au Roi, portait une conviction d’une remarquable actualité :
« Liberté autant que nécessaire, Egalité autant que possible »
Certes, cette logique reste tabou et combattue explicitement par les dogmatiques car taxée (à tort) d’une forme « d’inversion des ordres républicains ». Pire, elle est vécue comme une insulte pour le nostalgiques, pour qui la « religion de la redistribution », le « tout Etat » et la « générosité avec l’argent des autres » sont les gages premiers de l’égalité et (résiduellement) de la liberté….
Les libéraux ne l’ont jamais cru et de plus en plus de français en doutent…..
Aussi, ces adeptes de « l’égalitarisme doctrinaire » qui pour Raymond ARON « s’efforcent vainement de contraindre la nature biologique et sociale sans parvenir à l’égalité, mais à la tyrannie », ont du souci à se faire (n’en déplaise à Monsieur Piketty et aux « nobel » d’économie américains….de gauche évidemment).
Le libéralisme en effet revient en force, la ou les politiques ne l’attendaient plus, précisément sur le champ de l’économie (nouvelle).
C’est à Internet et à la « révolution numérique » que l’on le doit avec une immense espérance pour libérer enfin notre pays de ses chaînes, de ses plaies économiques et sociales et des rentiers « partenaires sociaux ou politiques » qui paralysent tout espoir de réforme structurelle et de sursaut national.
Aussi la maxime « laissez faire, laissez passer »[2] fondant la pensée libérale, en « faisant confiance aux mécanismes spontanés du marché » s’illustre tout particulièrement dans le développement….de l’internet et des réseaux sociaux, bien plus que dans l’économie de l’ancien Régime……
Nous mesurons en effet chaque jour un peu plus ce que représente « la révolution numérique » [3] en tant que « nouvelle étape civilisationnelle » avec l’annonce de conquêtes de nouveaux territoires, d’innovations, avec comme fil d’ariane, la liberté retrouvée…des réalités certes complexes que l’on peut exprimer en peu de mots avec ce « bon esprit cher à Fénelon : la Société Numérisée ou l’éternel (et heureux) retour du libéralisme…. ».
Les observateurs avertis auront déjà remarqué que les chemins de la Société Numérique renouent, de fait, avec ceux que les néolibéraux apprécient (laissez faire, laissez passer).
Cette grande rupture qui se dessine dans les systèmes d’information redistribuent les cartes entre les acteurs certes au profit des nouveaux géants de l’internet, mais pas seulement : « l’économie du partage » qui l’accompagne ne peut vivre sans une nouvelle liberté (choix des acteurs, responsabilité individuelle, prise de risque, avec en corollaire un « juste profit »), renvoyant les champions de l’économie administrée et dirigée à leurs chères études….
Ces innovations technologiques et scientifiques accélèrent les modifications en profondeur de la Société et cet « hyper monde » associant la mondialisation économique et l’hyper information redistribue les gains de productivité entre les acteurs, crée de nouvelles solidarités et des lignes de partage, mais aussi et surtout de nouveaux espaces de libertés individuelles et collectives.
« L’honnête homme » (au sens du XVIIIème siècle) semble pressentir, incrédule, à travers le tsunami d’informations, à la fois, les fantastiques promesses, au plan économique, social, sociétal, de l’espérance de vie, de la santé, de notre capacité à explorer l’infiniment petit (nanotechnologie) comme les frontières de notre univers (Philaé) mais aussi les immenses défis et menaces que la société numérisée porte en elle :
Ethique du savoir (droit numérique, droit à l’oubli), droit de l’homme, respect de l’espace privé, confidentialité, traçabilité, risques pour l’emploi, menaces pour la souveraineté des Etats…etc.
Aussi, si la Société Libérale a en effet fait prospérer la Société de Consommation, elle a toutefois permis d’accélérer le développement et la création de valeur à l’échelon planétaire, reste à savoir si la régulation par les Etats à travers des logiques de redistribution (excessive), de fiscalité (confiscatoire) et de maîtrise (ratée) des monopoles, si ces atteintes à la liberté d’entreprendre n’ont pas été avant tout, contre productives ?
Pour la Société Numérisée, l’enjeu est de même nature, c’est-à-dire d’éviter le risque que les consommateurs ne soient portés à une degré supérieur de servilité par une prise en main de leur cerveau par le digital (théorie des esprits animaux) mais puissent pleinement capter cette nouvelle liberté….
Celle d’une « Republique Numèrique » garante de la seule vraie libertè , celle qui consiste à choisir ses propres contraintes ..
[1] La pente despotique de l’économie mondiale – Hubert RODARIE – Salvator 2015
[2] Que l’on prête à tort à Turgot, de Gournay en est l’auteur
[3] La révolution numérique – Jean-Michel Treille – Ovadia – 2015