L’Académie française a décidé qu’on doit désormais dire la Covid et non le Covid. Quelle mouche l’a donc piquée de vouloir féminiser le Covid-19 qui attaque indifféremment hommes et femmes ? Une sombre histoire de métonymie. Un mot pris pour un autre qui, en l’occurrence, a « mauvais genre ». L’exemple métonymique le plus connu est « boire un verre » où le contenant est substitué au contenu (boire du vin).

Covid est l’acronyme en anglais de « corona virus disease », qui signifie « maladie provoquée par le corona virus ». Selon l’Académie, le mot clé de l’acronyme, son « noyau » n’est pas « virus » mais « disease » et son équivalent « maladie » en français. C’est celle-ci qui détermine le genre à employer. On doit donc dire la Covid-19.

Exit le masculin virus. Vite dit. En grammaire aussi, il fait de la résistance et défie les sages du quai Conti. L’ennemi, c’est lui et toute la planète est liguée contre lui. La maladie, c’est lui qui la provoque et on ne lui volera pas la vedette, métonymie ou pas.

Les académiciens avaient le choix :

– Ils pouvaient décréter que COVID est masculin. S’en tenir au D comme disease, mot anglais qui, comme la plupart, n’a pas de genre et assumer un masculin générique qui inclut le féminin.

– Ils pouvaient franciser le sigle en COVIM et assurer la cohérence au féminin avec un M comme Maladie, ou mieux encore comme Morbus, en sollicitant la grand-mère latine qui offre un équivalent masculin sur un plateau.

– Ils pouvaient enfin, et c’est ma suggestion personnelle, innover et adopter le COVIDATOR, à l’image du Terminator de David Cameron, un assassin cybernétique (en l’occurrence biologique) à l’apparence humaine. Il s’avance masqué en toute impunité et, ironie du sort, nous sommes contraints de l’imiter, en sortant masqués par manque d’immunité.

Bref ils pouvaient privilégier l’esprit à la lettre, plutôt que jouer sur les mots et les formes littéraires.

Paradoxalement, le meilleur exemple de métonymie, c’est au sein même de l’Académie qu’on le trouve. Sa devise depuis l’origine est : « À l’immortalité », celle de la langue française. Or, par un transfert aussi subtil qu’abusif, les gardiens de la langue française ont capté à leur profit l’immortalité de leur cause supérieure et sacrée. Immortalité viagère, certes, mais immortalité quand-même. Nos « immortels » justifient cette posture par le caractère invariable et perpétuel de leur nombre. Outre la faiblesse de l’argument, leur nombre varie et n’atteint jamais le chiffre de quarante (33 sur 40 actuellement). Ceci, pour des raisons évidentes : les titulaires n’ont pas de suppléant, le taux de mortalité est élevé, la vacance des fauteuils tarde à être déclarée (celle de Jean d’Ormesson ne l’est pas à ce jour), le processus électoral est long jusqu’à la réception officielle. Et il faut bien que l’impétrant ait du temps pour préparer l’éloge de son prédécesseur, un homme (ou une femme) qu’il n’a en général jamais rencontré(e) de sa vie et qu’il doit présenter à ses confrères qui, eux, le (la) connaissent parfaitement. Une prouesse.

Alors, demandons à l’Académie, pour le principe, de restituer à la langue française qu’elle sert l’exclusivité de l’immortalité et de suivre le bon sens populaire pour le reste.