Régulièrement nous publions sur la page Facebook du Vernimmen[1] des commentaires que nous inspire l’actualité financière. Vous en trouverez quelques-uns publiés le mois dernier dans cette rubrique :

 

Gestion active, gestion passive

Standard and Poor’s indique que 87,5 % des gérants actifs de fonds actions américains sous-performent le marché actions sur les 10 dernières années. Cela veut donc dire que 12,5 % le surperforment. C’est moins que 50 % comme si on faisait un tirage purement aléatoire ; mais un tirage aléatoire n’a pas de frais de gestion à couvrir en surplus, ni de frais de transaction ni une rémunération des capitaux propres de la société de gestion.

On peut penser que ce pourcentage devrait progressivement s’élever. Non pas que les gérants deviennent meilleurs, mais parce que l’ubérisation de ce secteur en route depuis quelques décennies s’accélère. L’ubérisation de ce secteur a pour nom la gestion indicielle qui vise à dupliquer un indice sans chercher à savoir quelle action est sous-évaluée et quelle autre est surévaluée, et a pour outil principal les ETF[2]. Sa part ne cesse de progresser, éliminant du marché les gérants actifs les moins efficaces, et c’est ce qui nous fait penser que la part des gérants surperformants devrait progressivement s’accroître. Mais ceci prend du temps, compte tenu de l’inertie des investisseurs et des canaux de distribution.

En fait, cette évolution vers un monde de la gestion actions cotées polarisé autour de fonds passifs dupliquant l’indice, et d’un nombre limité de fonds actifs, capables de survivre dans la durée car ils font au moins aussi bien que l’indice, était clairement en germe dans les travaux des pères fondateurs du MEDAF des années 1950 et 1960.

En effet, l’enseignement opérationnel du MEDAF, comme expliqué dans le Vernimmen[3] depuis 1977, est bien de détenir un portefeuille qui duplique aussi fidèlement que possible les variations du marché actions et de régler le niveau de risque souhaité par chaque investisseur avec des emprunts ou des placements dans l’actif sans risque. Cette stratégie offre le couple rentabilité/risque le plus efficace.

Mais la part de la gestion passive, même si elle est plus efficace que la plupart des gestionnaires actifs, n’atteindra jamais 100 %. En effet, si tel devait être le cas, les cours des actions cotées varieraient tous parallèlement de concert en fonction des arrivées ou des départs de liquidités à placer sur le marché actions. Or les performances économiques des entreprises n’ont nulle raison, dans la durée, d’être toutes parallèles. Une évolution parallèle des cours créerait alors des sous-évaluations ou des sur-évaluations qu’un gérant astucieux (c’est-à-dire ayant bien assimilé son Vernimmen) saisirait pour surperformer le marché. Les gérants ne seront donc pas tous remplacés par des robots !

 

Fonds de LBO

Le Financial Times se fait l’écho de la levée en cours du fonds de LBO CVC, l’un des principaux acteurs européens du secteur et qui pourrait au premier semestre 2017 lancer un nouveau fonds réunissant entre 12,5 et 15 Md€, alors qu’il aurait enregistré une demande d’investisseurs portant sur 25 à 30 Md€.

Matérialisation de la loi de l’offre et de la demande, les conditions financières pour les investisseurs qui pourront souscrire au fonds seront moins bonnes pour eux et meilleures pour la société de gestion du fonds : pas de réduction des frais de gestion pour les premiers investisseurs à souscrire et abaissement de 8 % à 6 % du taux de rentabilité minimum à obtenir pour les investisseurs, permettant aux gestionnaires du fonds d’obtenir 20 % de la plus-value réalisée par les investisseurs au-delà de ce seuil (appelé hurdle rate). Les investisseurs dans le fonds de CVC pourront se consoler en sachant qu’historiquement CVC a obtenu parmi les meilleures performances de ses pairs et que s’ils ont investi dans le fonds de Advent qui a levé 13 Md$ il y a quelques mois, le seuil de déclenchement de la participation à la plus-value a été abaissé à… 0 %.

Avec une rentabilité moyenne attendue sur les actions cotées de 7 % en Europe (source Associés en Finance), le seuil de 8 % est déjà très inférieur à ce qu’un investisseur en fonds de LBO est en droit d’exiger, de l’ordre de 12 à 15 %, compte tenu du risque lié à l’effet de levier propre aux LBO et de l’illiquidité de ce type d’investissements. Ce niveau de seuil n’est que le témoin d’un fait bien établi par la recherche académique, à savoir que ceux qui peuvent capter le plus souvent une sur-rentabilité sont les gestionnaires de fonds de LBO.

L’abaissement de ce seuil est la conséquence de la hausse du prix des actifs (le multiple moyen d’acquisition par les fonds de LBO dépasse en 2016 pour la première fois 10 fois l’EBE), entraînée par la baisse des coûts du capital (la prime de risque du marché est revenue à son niveau moyen depuis 2002) qui réduit assez mécaniquement les espérances de rentabilité future ; mais aussi de niveaux de dettes par rapport aux capitaux propres des LBO bien inférieurs au pic de 2007 limitant l’effet de levier de la dette, et de la rareté des cibles de taille significative.

 

Fusion Linde – Praxair

Linde et Praxair ont annoncé le principe de leur fusion d’égaux pour former le leader mondial des gaz industriels devant Air Liquide, avec une part de marché mondiale qui atteindrait 42 %.

La gouvernance a été « soignée aux petits oignons » : Le directeur général sera celui de Praxair, le président non exécutif celui de Linde, le directeur financier celui de Praxair et le nom du nouveau groupe celui de Linde. Les sièges sociaux de Munich et Danbury (Connecticut) seront gardés et le DG du nouveau groupe n’aura pas besoin de déménager, car il restera à Danbury. Mais un siège juridique dans un pays de l’Espace Economique Européen à déterminer, mais pas l’Allemagne, est à trouver.

Le nouveau groupe sera coté à New York et à Francfort, le capital et le conseil d’administration seront répartis à 50 %/50 % entre les anciens actionnaires ou administrateurs de Linde et de Praxair.

Il paraît peu probable que la fusion entre dans les faits avant au moins un an, tant les négociations avec les différentes autorités anti-trust dans le monde seront longues, vu la part de marché du nouveau groupe. Donc un an au moins d’immobilisme et des cessions à la clef pour renforcer les concurrents ; puis ensuite bon courage pour gérer un groupe avec une pareille gouvernance qui semble avoir été faite pour satisfaire les egos des uns et des autres plutôt que de donner de la manœuvrabilité au nouveau groupe.

Pas étonnant que le cours de Linde ait baissé de 4 % à l’annonce de ce projet, alors que les conditions de la fusion donnaient une petite prime à ses actionnaires de 5 %. Quant à celui de Praxair, il a aussi baissé de 4 %. Peut-être que les investisseurs avaient en tête la comparaison avec une autre grande fusion germano-américaine, Chrysler-Daimler Benz qui est restée dans les mémoires comme un désastre industriel et financier, en partie en raison de différences culturelles massivement sous-estimées.

 

[1] Que vous pouvez consulter ici

[2] Pour plus de détails sur les ETF, voir le chapitre 23 du Vernimmen 2017.

[3] Au chapitre 22.

 

Article initialement paru dans la Lettre Vernimmen.net n°146 de janvier 2017, et repris par Vox-Fi avec due autorisation.