Le choc brutal de la crise de 2008 une fois transmis à l’économie réelle nous a rappelé l’importance du cash. Les impayés sont à l’origine d’un dépôt de bilan sur quatre. La protection de ce poste clients est un enjeu important. L’assurance-crédit est une bonne solution à condition de suivre quelques règles. Retour d’expérience d’un homme de l’art.

Inutile de rappeler que nous vivons une période de grande volatilité, d’incertitude et de risques politiques accrus, tant du fait de la situation géopolitique mondiale que d’une Europe qui doute de sa croissance. La volatilité ajoutée à la rapidité de l’information a fait naître des attentes croissantes à court terme : un besoin de résultats rapides de la part de parties prenantes aux intérêts parfois divergents (fournisseurs, clients, banques, actionnaires, fonds de pension), qui peut conduire à une prise de risque moindre pour conforter un résultat, des comportements conservateurs et immobilistes de certaines entreprises au détriment d’autres plus rapides. La prise en compte du risque client devient un élément clé de la stratégie d’une entreprise. La protection de ce poste clients, source de revenus, est un enjeu important, facteur de résistance d’une entreprise pour ne pas être emportée par une défaillance grave. Faire des affaires avec des entreprises solvables, tout le monde le veut ! Quant aux entreprises en zone rouge, elles sont identifiables et les mesures simples (paiement à la commande). En revanche, pour les entreprises dans la zone communément appelée « orange » ou « grise », il faut savoir discerner les nuances de couleur ! C’est pourquoi, il faut quelques règles de bon sens qui permettront de se positionner au mieux face aux offres du marché.

L’assurance n’exclut pas la prudence

Un assureur crédit, comme tout autre assureur, vous accompagne et vous aide : il ne prend pas les risques à votre place. Il faut se garder d’une vision trop financière et à court terme : l’entreprise est souvent tentée de ‘’déléguer’’ à un assureur crédit la politique de risque client : « je paye donc il assure » (aux deux sens du terme). On économise au passage la fonction crédit management. Mais il y a pour l’entreprise un risque de perte de contrôle de son développement malgré des économies apparentes.

  • Il faut utiliser l’assureur-crédit comme un allié précieux qui dispose d’informations complémentaires

à celle de l’entreprise grâce à des bases de données plus exhaustives, des modèles de scoring lui permettant d’avoir une vision de la probabilité de défaillance d’une entreprise. La compagnie d’assurance a aussi, de par la multiplicité de ses clients et contacts, la capacité à collecter toute sorte d’informations. Elle les classe en général en signaux forts et signaux faibles. Les signaux forts, en partie également détectables par l’entreprise elle-même, sont les impayés, les litiges récurrents, l’information bilancielle (si elle est collectée et exploitée !) mais il faut y ajouter l’expérience acquise auprès d’autres fournisseurs de votre client. Les signaux faibles seront la récurrence des impayés sur la place, la réputation, les déterminants du marché sur lequel opère sa clientèle

  • L’analyse du risque client est importante car elle participe de la connaissance et la compréhension de ce dernier pour une meilleure anticipation ; en cela, elle ne peut pas être déléguée entièrement mais doit être complétée. Ce serait à mon avis une erreur dans la période actuelle où les changements sont rapides, les risques nombreux, économiques et politiques, de ‘’sous-traiter ‘’ l’approche du risque client, la mesure et la gestion en local des risques de crédit. La clientèle fait partie du fonds de commerce de l’entreprise et contribue à la création de valeur.
  • L’avantage de l’assurance-crédit, au-delà d’en disposer (c’est à dire être crédité d’un portefeuille de clientèle sur un ou plusieurs marchés jugés crédibles) est aussi de lisser les pertes si elles venaient à survenir. Il n’est point besoin ici de présenter le tableau de calcul du volume de chiffre d’affaires complémentaire à générer en cas d’impayés en fonction du niveau de marge de l’entreprise.
  • Avant d’orienter son choix d’assurance-crédit, il faut donc savoir analyser les points forts et les points faibles de son portefeuille clients : la concentration de chiffre d’affaires (méthode rapide ABC), la diversification ou non (sectorielle, géographique), le marché (concurrence et barrières). Cela donne de bons éléments pour choisir son assurance et challenger l’offre.

Quel type d’assurance-crédit ?

Lorsque l’entreprise produit des biens immeubles, fournit des prestations d’études ou d’ingénierie préalables, il est judicieux d’étudier les systèmes de garantie allant jusqu’au remboursement d’acomptes. Il en est de même lorsqu’il faut déposer des cautions préalables à un marché public à l’étranger par exemple.

  • Pour la livraison de marchandises, en cas d’export, il est important d’avoir une bonne visibilité sur le client livré, le pays, l’environnement légal pour éviter tout problème. Plus on va vers des pays dont l‘économie est émergente, plus il est important d’utiliser l’expertise de l’assureur crédit qui a des bureaux dans la région et une connaissance pointue. Son avis sur le client est un indicateur important sur la qualité du client et les chances de paiement. N’oublions pas que si le développement du chiffre d’affaire est une ambition, la rentabilité en assure la sécurité et la trésorerie la pérennité.
  • S’agissant du marché domestique, il faut avoir une vision de l’assurance-crédit comme d’un ‘’optimisateur

des ventes’’ : beaucoup oscillent entre rien et le tout assuré à 100 % (dans un réflexe « assurance tous risques ») mais il faut intégrer quelques facteurs .Si le niveau de marge est faible, alors la sensibilité de l’entreprise aux impayés sera importante. De même, si le chiffre d’affaires est concentré sur quelques gros clients, il faut se prémunir du risque de défaillance. Néanmoins, l’assurance-crédit vous protégera d’un aléa par nature imprévisible. Si dans son suivi client, l’assureur crédit perçoit une faiblesse, un risque pour l’entreprise assurée, il réduira sa couverture, en vous informant préalablement. Il faut rester vigilant sur son portefeuille clients.

  • Il est possible d’opter pour des polices de type « excess » où l’indemnisation intervient au-delà d’un certain seuil ; ce seuil étant à définir en fonction de la marge commerciale, de la capacité de l’entreprise à encaisser une défaillance et son coût, de son organisation et plus particulièrement sa comptabilité clients (facteur très souvent sous-estimé).
  • Il faut se rappeler également que l’assurance-crédit n’est pas un chèque en blanc et oblige l’assuré à respecter quelques diligences : à titre d’exemples, l’information de l’assureur, la relance amiable et contentieuse du client de manière à présenter un dossier de sinistre le moment venu qui permette d’être indemnisé. Se rappeler que toute action dérogeant aux règles du jeu convenues dans votre contrat sans accord de l’assureur peut être préjudiciable à l’indemnisation. Afin de tenir l’organisation de l’entreprise en veille, il est judicieux de définir une approche excess qui est la moins onéreuses et challengera votre partenaire assureur en montrant l’efficacité de votre gouvernance interne et de vos processus. Il restera donc une part en ‘’auto assurance’’ définie par votre niveau de

marge, votre politique d’acomptes, le type de produit et le(s) marché(s) adressé(s).

  • Dernier point important : quel canal d’acquisition pour cette assurance ? Courtier ou assureur en direct ? Si vous n’avez pas la possibilité de dialoguer efficacement avec votre assureur, un courtier pourra le faire. D’autant plus que ce dernier a souvent un représentant chez l’assureur pour plaider les dossiers et sera d’une aide précieuse pour éviter que l’assureur vous dicte son point de vue en optimisant à son avantage la prise de risque. En synthèse, une assurance-crédit vous protège des aléas et représente un complément de votre analyse de la performance opérationnelle de votre entreprise : la chaîne order to cash doit être claire et définie ; la gouvernance autour d’une politique crédit doit être connue (et reconnue) de tous et construite collégialement avec les directions concernées ; la comptabilité clients doit être convenablement structurée. Le danger d’une trop grande délégation à un tiers extérieur est la perte de connaissance des processus, la dilution de la culture d’entreprise et la trop grande dépendance envers le prestataire. L’assurance-crédit doit permettre de déléguer ce que l’on maîtrise mal (la procédure, le collecte d’information clients plus exhaustive) mais pas la gestion de la prise de risque.