Le Big bang des possibles

 

Hubert REEVES, Yannick ROUDAUT et Isabelle DELANNOY étaient les principaux intervenants de la soirée organisée par les jeunes dirigeants du CJD Angers, le 17 Mars dernier. « Le BIGBANG des possibles, les nouveaux horizons pour l’entreprise », un thème prometteur qui a tenu en haleine plus de 2000 chefs d’entreprises et acteurs économiques angevins pendant plus de trois heures.

Du Big Bang aux fondamentaux de l’économie de demain

Hubert REEVES nous raconte l’histoire de l’univers. A l’origine de celle-ci : le Big Bang, créant un magma de matière sans organisation. Au fil du temps, la matière s’organise, puis la vie apparait sur terre. Récemment, très récemment, l’Homme fait son apparition. Si l’âge de l’univers était ramené à 1 an, l’homme serait apparu depuis moins d’un jour.

Doué d’une intelligence supérieure, l’homme transforme son environnement. Il exploite les ressources à sa disposition. Il invente de nouvelles techniques pour mieux exploiter, toujours plus de besoins, toujours plus de ressources consommées, toujours plus de déchets produits. En un siècle, l’Homme à plus impacté l’environnement que sur les 7 millions d’années précédentes.

La nature, elle, ne consomme pas les ressources de la Terre, elle ne consomme que de l’énergie solaire qui lui est envoyée. Elle ne produit pas de déchets non plus, tout est recyclé. L’astrophysicien nous amène à prendre conscience qu’en la pillant et en la polluant, l’homme mène un combat effréné contre la nature. S’il gagne ce combat, il meurt en sciant la branche sur laquelle il est assis ! S’il le perd, la nature continuera son bonhomme de chemin… avec ou sans lui.

L’économie doit changer de postulat pour travailler AVEC la nature et non pas contre elle. Et ce changement doit intervenir dès demain, car après-demain, il sera sans doute trop tard…

Nous vivons une seconde renaissance

Yannick ROUDAUT compare notre époque à la Renaissance. Période d’intenses changements, la Renaissance était une transition entre deux modes d’organisation de la société.

Un des fondamentaux de la Renaissance est la révolution technologique dans la transmission du savoir. Vers 1450, la mécanisation de l’impression par Gutenberg favorise une diffusion de la connaissance élargie et accélérée. On retrouve un phénomène similaire aujourd’hui avec internet et les réseaux sociaux.

Cette période a aussi été l’occasion d’un changement moral dans la société. Il nous rappelle qu’au 17ième siècle, l’esclavage est normal. Il est même nécessaire pour développer l’économie des nouveaux territoires, Amérique et Caraïbes. S’en passer était alors inconcevable. Or, les prémisses de la mécanisation font entrevoir une autre possibilité. Son développement a permis de s’affranchir de l’esclavage, qui est désormais inconcevable.

Actuellement, produire avec un impact nul sur l’environnement est inconcevable. Il nous semble normal de consommer des ressources non renouvelables pour faire vivre la population. Pour nos (arrières ? petits ?) enfants, cet état d’esprit sera inconcevable. Ils nous jugeront demain comme nous jugeons aujourd’hui les négriers du 17ième et du 18ième.

La Renaissance, comme notre époque, sont des périodes de grande incertitude. Rien n’est acquis, tout est à construire, le mode d’organisation de la société est à réinventer. Mais nous n’avons pas les plans pour cette construction. Nous ne savons même pas quels matériaux utiliser, ni où établir le chantier. Le point positif de cette situation, c’est qu’on peut tout essayer.

Faire ressortir l’intelligence des organisations… par les liens

Pour essayer, il ne faut pas attendre que quelqu’un nous dise quoi faire. Nous ne sortirons pas de la crise actuelle en ayant un petit cercle d’initiés qui cogite et une armée de bras qui exécute. L’approche pyramidale de notre société est révolue, place à l’approche en réseau.

Isabelle DELANNOY décrypte le succès planétaire de Google par l’idée extraordinairement simple de ses fondateurs : utiliser les liens créés par l’organisation – les internautes – pour en extirper l’intelligence. C’est la base du célèbre moteur de recherche et la clé de sa performance.

Pour décider des résultats à renvoyer lors d’une recherche, Google utilise deux types de liens :

  • les liens entre les personnes et les informations : pages web consultées par l’internaute suite à une recherche par mots clé,
  • les liens entre les informations elles-mêmes : liens entre pages web, qualification des pages web par des mots clés, associations de mots et d’expression pour définir un contexte, association des images et des expressions placées à proximité…

L’économie symbiotique promue par Isabelle repose sur  l’étude et l’exploitation des liens entre les acteurs économiques et leur environnement. L’acteur économique existe par ces liens, et le maintien de leurs équilibres est nécessaire à sa survie et à son développement.

Exemple plus terre à terre, Maxime de ROSTOLAN nous présente la permaculture. Cet « art de vivre » repose sur l’exploitation des liens entre les cultures, qui permettent de s’affranchir des engrais et pesticides. Les liens entre les acteurs sont aussi exploités, en réduisant les transports et les délais. Les bénéfices écologiques sont évidents et les résultats économiques annoncés sont édifiants : + 90 % de productivité par rapport à l’agriculture traditionnelle !

Les expériences de l’économique symbiotiques seraient-elles l’équivalent contemporain des premières utilisations de la vapeur pour sa puissance, au 17ième siècle ?

L’espoir est dans l’action

Hubert Reeves nous montre – si jamais nous n’en n’avions pas encore pris conscience – que l’évolution du monde n’a jamais été aussi rapide. Il nous montre aussi que  nous ne pouvons pas continuer à nous battre contre la nature sans y laisser notre peau.

Yannick ROUDAUT, en mettant en parallèle notre époque et la Renaissance, nous met en lumière toute l’incertitude liée à notre situation, mais également tous les espoirs que cette incertitude peut laisser autoriser.

Isabelle DELANNOY nous invite à essayer des organisations symbiotiques, en repensant l’organisation sur la base des liens qui la constitue. Elle nous rappelle que c’est l’intelligence COLLECTIVE qui permet de trouver des solutions globales aux problèmes rencontrés.

Et le Contrôleur de Gestion dans tout ça ?

Le contrôleur de gestion, en donnant du SENS aux chiffres, a un rôle certain à jouer pour accompagner, voire provoquer, le changement culturel nécessaire à la mise en œuvre d’une économie respectueuse de notre environnement.

En favorisant les prises d’initiatives, en aidant les opérationnels à imaginer des solutions alternatives, il favorisera l’émergence de solutions, qui, peut-être, pourront s’avérer décisives pour l’émergence d’une symbiose entre écologie et économie.

Ces trois intervenants nous ont régulièrement fait basculer entre pessimisme et optimisme au cours de la soirée. Toutefois, tous s’accordent sur l’urgence de la situation, et sur le fait que c’est l’ACTION de l’Homme qui nous permettra de rectifier le tir. Tous les trois s’approprient une citation de Jean Monet : « Ce qui est important, ce n’est, ni d’être optimiste, ni pessimistemais d’être déterminé ».

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Note de bas de page :

Le film de la soirée est disponible sur youtube :

Accès au début (durée : 3 h 07 min)

Accès direct à l’intervention de Hubert REEVES (durée : env 45 min)

Accès direct à l’intervention de Yannick ROUDAUT (durée : env 20 min)

Accès direct à l’intervention de Isabelle DELANNOY (durée : env 30 min)