Lors de l’Université d’Eté de la DFCG (qui s’est tenue à Nantes le 26 juin), les nombreux intervenants ont réussi à donner une image claire et simple, voire ludique, de ce qu’était le « Big Data ». Retour avec des commentaires, quelques « snapchats » et des éléments de compréhension sur ce qu’est ce concept intriguant.

 

En introduction, Redouane El Amrani, professeur à Audentia Nantes, a donné des définitions simples qui permettent de comprendre ce qu’est le Big Data.

En tant que citoyens utilisateurs, nous et nos familles vivons déjà dans le « Big » sans nous en rendre compte : chaque Français passe 18 heures par semaine sur internet, et 74 % d’entre eux y vont chaque jour. Au niveau mondial, on dénombre 2,5 milliards d’abonnements à des messageries instantanées. Les services commerciaux et marketing s’intéressent naturellement à ces canaux d’accès aux prospects et clients, particulièrement chez les grands acteurs de la distribution et des services. Le « Big Data » concerne aussi de près les Directeurs financiers et de Contrôle de gestion.

Ainsi, parler de « Big Data » est à la mode. Faut-il s’y précipiter ?

 

 

Les connaissances nécessaires pour conduire une réflexion stratégique sur le Big Data

La première difficulté d’accès au Big Data est le sentiment de submersion : la quantité des données et des avis rend malaisée une compréhension précise et utile. Cependant, le DAF devra y parvenir pour ne pas se laisser distancer dans la troisième grande phase d’évolution des outils d’information. Après la mise en place des outils analytiques (ERP-CRM) dans les années 1990-2000, après l’avènement du Cloud (2010), nous vivons maintenant l’ère du « Big Data ». Elle a balbutié dès 2001, avec les premières définitions établies par le groupe Gartner, elle a grandi en maturité à partir de 2010, lorsque les universitaires ont commencé à l’étudier. Jean-Pierre Riehl, fondateur du cabinet Azeo, rappelle avec humour l’évolution de l’image Big Data auprès des professionnels, au travers d’une figure issue du Gartner.

 

 

Au cours de ces années, la relation avec le marché est passée d’un digital « statique » (l’e-mail, la présentation Powerpoint, le traitement d’informations et de données chiffrées dans des outils structurés) à un digital « transhumain » où la donnée ne peut plus être représentée dans des dimensions simples, avec bientôt l’avènement de l’intelligence artificielle.

Ainsi, le Big Data commence lorsque les méthodes traditionnelles ne permettent plus de traiter les masses de données. C’est un mix de données structurées et de données non structurées.

 

Les « 4V »

Un projet de traitement de données est-il forcément « du Big Data » s’il nécessite des bases de données volumineuses ? La réponse sera positive s’il présente quatre caractéristiques :

  • Volumes : lié à l’explosion du Cloud et des réseaux sociaux.
  • Variété : des supports, des acteurs, des formes.
  • Vélocité : le temps réel. La fréquence de création, de collecte et de partage de ces données rendent illusoire la notion de stockage. La créativité est évolutive : il n’a jamais été aussi facile de générer du contenu.
  • Véracité : la qualité de la donnée est très importante pour prendre une décision. L’information doit être sûre, ce qui rend stratégique la capacité à la qualifier.

A vrai dire, un projet « Big Data » comprend un cinquième « V », la création de Valeur, car le décideur n’aura envie de s’y intéresser que si cela « sert à quelque chose ». Or, les données ont principalement une valeur commerciale si elles sont accessibles et renforcent la relation client : un sixième « V » pourrait être la Visualisation.

 

Exemple concret

L’exemple concret d’une start-up permet d’appréhender simplement les enjeux du Big Data. En gare Montparnasse à Paris, la société Hop-Eat fournit des bentos, produit simple, de qualité, sans gluten, au goût agréable, que sa boîte rend transportable. Cette offre de santé lui donne le succès. En juin 2017, les objectifs du quatrième mois de son business plan sont atteints en quatre semaines.

Or, l’emplacement est situé entre la Tour Montparnasse et la gare : si l’on obtenait les données sur les voyageurs en provenance de Nantes, Tours, Orléans, Laval, Chartres… et celles sur les salariés de la Tour, on pourrait envisager de révolutionner la relation au client : lui apporter le repas au bureau, lui rappeler l’offre disponible à l’orée de la salle d’attente ou à la montée dans le train, lui proposer un repas « en main » à la descente de voiture… La relation client s’en trouvera totalement modifiée.

Alors, le business plan sera largement dépassé. Mais pour y parvenir, il faudra adapter les équipes : les vendeurs deviendront livreurs et le nombre d’employés va exploser. Il va falloir investir en moyens réfrigérés et en matériel de distribution, alors même que l’actuel stock, de 20 m2, se révèlera insuffisant. Sans compter l’adaptation de la supply chain, qu’il faudra faire monter en capacité et en réactivité.

Cet exemple simple montre en quoi le Directeur financier est impacté par le Big Data : il offre un upside très intéressant sur le business plan, mais au prix de transformations de l’amont qui demandent à être chiffrées. Son KPI reste le ROI, mais il aura changé de nature : c’est dans la définition des Data scientists qu’il va s’y intéresser. Pour 1000 mails envoyés aux entreprises de la tour Montparnasse, combien de retours positifs de clients qui vont demander une livraison ? La réponse dimensionnera le CA à inscrire au budget et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.

 

Le Big Data est l’étape ultime de la digitalisation de l’entreprise

Redouane El Amrani le rappelle, la digitalisation ne se résume pas uniquement à avoir un site internet ou à analyser le flux des données circulant sur les réseaux ; il faut aussi des personnes qui vont l’animer, le rafraîchir, et récupérer les informations clients qui circulent dessus : l’entreprise va devoir mettre en place un back office, veiller à traiter les bases de données, prendre contact avec les clients après un premier lead… Il faut un usage derrière la technologie.

Les entreprises les plus à la pointe créent des fonctions de data scientists. Chez Hertz, ils sont immergés au sein du contrôle de gestion. Denis Mancheron, son Directeur financier, l’atteste : « Je ne cherche plus des comptables, je cherche des analystes ».

 

Les traitements traditionnels ne sont plus pertinents

De fait, puisque 80 % des données sont non structurées, les logiques que nous avons apprises avec le langage SQL ne sont plus pertinentes. Rudy Plissoneau, du cabinet EY, liste les outils liés au Big Data : Hadoop, Python, Pig, Hive. Ils permettent de capturer la donnée et de la redistribuer à l’utilisateur adéquat dans l’entreprise.

L’enjeu pour le DAF est d’assurer une bonne intégration entre les données de l’ERP, qui sont structurées et verticales, et celles du Big Data, qui sont non structurées et horizontales.

Lors de l’université d’été, Jean-Pierre Riehl a dédramatisé le sujet en donnant des définitions et en passant en revue les « passages obligés » de la langue du Big Data.

 

On peut répondre à un besoin sans forcément mettre en place une plateforme de Big Data et en s’appuyant essentiellement sur de la Business Intelligence. Un projet « Big Data » n’est pas essentiellement un projet technique mais d’abord un projet « métier » : il créera de la valeur en se concentrant sur les questions concrètes qui se posent à l’entreprise dans la gestion et le développement de son business model. Pour réussir, il faut rester fidèle à ses fondamentaux et veiller à ne pas se laisser obnubiler par la technique.

Ces recommandations font écho à celles de Rudy Plissoneau, qui rappelle quelques règles simples pour faire aboutir un projet de « Big Data » : avoir une vision stratégique et organisationnelle, c’est-à-dire avoir une conscience claire de ce que l’on poursuit. Se tenir informé des technologies et disposer d’un accès au savoir-faire et aux compétences, sans négliger dans sa démarche de mise en place la gestion de projet et la gestion du changement.

 

Il faut remercier chaleureusement Olga Zlatiev, Stéphane Gaschignard, et leurs partenaires ainsi que l’équipe nantaise de la DFCG, qui ont permis à cette journée riche en enseignements de rester jusqu’au bout smart & easy !

 

Depuis l’Université d’Eté de la DFCG, 26 juin 2017. Par Jean de Sigy, Co-président de la Commission SI de la DFCG.