En janvier, Daniel Bacqueroët, chantait le requiem de cette fonction  et concluait son oraison par une prière sur le futur de ce “copilote de l’entreprise”. Le mot était lâché. Malheureusement, trop, y compris dans les commentaires associés, réduisent encore ce rôle à “mettre en place des tableaux de bord”.

Le mois dernier, François Meunier, dans un joyeux Hosanna, nous remettait sur la voie en rappelant le rôle de “centre nerveux” qui ne peut, humainement, cependant tout regarder.

Le contrôleur de gestion en tant que « pilote » de l'avion entrepriseJe propose d’aller plus loin et de soutenir, oui !, que le contrôleur de gestion a un rôle de pilote de l’avion entreprise, et non de seul copilote ni de contrôleur aérien rivé derrière ses écrans.  En effet, sa mission première est que la gestion de l’entreprise soit  “under control”. Avec en tête l’image du pilote d’avion, mettons en regard un plan de vol aérien et le cycle de gestion d’une entreprise.

 

Une fois la destination et le type d’avion retenus (lire pour l’entreprise : projet, produit, gamme…  et stratégie retenus par la direction générale), le pilote entre en action :

 

1.  Préparation du vol (lire : plan moyen terme, schéma directeur, forecasts)

Il convient de calculer :

*  les ressources nécessaires en temps et carburant  (main d’œuvre, investissements, R&D),

* les éventuels  étapes et avitaillements (embauches, intérim, plans de mobilité) et la logistique intégrant les informations disponibles sur les aéroports (DRH, supply chain, directions techniques),

* répertorier l’ensemble des zones spécifiques, fréquences et  notifications à utiliser (législations, normes, organismes),

* choisir les trajets optimisés en fonction des objectifs assignés en termes de délais, consommation,  confort et sécurité (coûts, qualité, délai et climat social),

* en déduire son plan de vol avec les différents caps, altitudes, vitesses et les balises nécessaires (plans de productivité et d’investissements, les seuils et les jalons).

* prévoir en cas d’aléa les itinéraires de déroutement / les plans d’économies, d’arrêts, ou alternatifs.

 

2. Dépôt du plan de vol (validation du budget ou plan à moyen terme et actions corollaires).

 

3. Prise des dernières conditions météo et restrictions spécifiques (du marché, sociales, législatives)  et adaptation du vol (des prévisions et  plans d’actions)  en fonction des ces paramètres.

 

4. Visite pré vol et check-list avant décollage (vérification de la bonne disponibilité des outils, données, interfaces avec les autres fonctions).

 

5. Le vol en lui-même. Le temps de l’utilisation du tableau de bord, ou plutôt de parties ciblées de celui-ci

5.1  Décollage :

– redonner à voix haute les actions en cas de panne avant et  juste après décollage (officialiser les clauses d’arrêt d’un lancement : voilà qui manque souvent cruellement).

– seuls trois indicateurs suivis dans cette phase cruciale : vitesse, axe / taux de montée,  altitude (prise de part de marché, trajectoire, consommation de cash, par exemple).

 

5.2  Pendant le vol :

– contrôle périodique : carburant, vitesse réelle corrigée du vent, recalage des indicateurs (résultats mensuels, trimestriels, embauches, corrections des suivis),

– changements d’indicateurs suivis pendant les changements de caps,  de zones aériennes, les passages de balises (mois, trimestres et  phases commerciales) ; mais toujours 3 à 4 au maximum,

– corrections de plan  voire déroutements en fonction des éléments réels et des prévisions météo et de trafic (résultats, prévisions commerciales et industrielles ou indicateurs d’alertes).

 

5.3 Atterrissage :

– redonner à voix haute les actions en cas de nécessité d’interrompre l’approche (la fin d’exercice) : remise des gaz, cap et altitude initiale visée (plans d’économies, reports sur l’année suivante, provisions…),

– là encore,  seuls trois indicateurs suivis dans cette phase cruciale : vitesse, axe, taux de descente (tenue des indicateurs annoncés à la Presse, en AG…).

L’objectif à ce moment d’un pilote est d’offrir un “kiss landing ” que personne ne sent, salué par des applaudissements (par une AG sans heurt ou un cours de bourse positif, no “profit warning”…).

 

6. Clôture du plan de vol, notification des anomalies machine (clôture et rapport d’analyse des résultats, retour  d’expérience pour les prochains exercices et demandes d’évolutions des outils et process).

 

Oui, certaines des  tâches du seul point 5. peuvent être confiées au pilote automatique/ERP et autres décisionnels.  Mais rappelons une règle essentielle qui a sauvé bien des vies : le pilote reste responsable ;  il a le devoir de reprendre la main si l’intégrité du vol est en jeu. Et le rôle du contrôleur de gestion doit être vu dans sa plénitude, qui est donc bien plus vaste que le seul suivi des tableaux de bords.

Cet article a déjà été publié par le blog Vox-Fi, le 13 mai 2013.