Le déclin démographique de la Chine
Le graphique qui suit est surchargé, mais mérite quand même de s’y attarder. Il est tiré d’un article assez polémique de Yi Fuxian, un professeur en obstétrique de l’université de Wisconsin-Madison, spécialiste de démographie et de la Chine, publié dans Project Syndicate. La thèse de l’auteur s’exprime bien dans son titre, difficile à traduire mais facile à capter : « China is dying out ».
On lit sur le graphique, sous les rubriques WPP-China, les projections successives de la population chinoise, entre 1992 et 2022 faites par la très respectable division Population de l’ONU, qui publie le World Population Prospects. Les projections ont été systématiquement revues à la baisse : elle estime dans son rapport de 2022 que la population à 2100 sera de 767 millions quand le chiffre estimé était de 1.068 millions en 2019. De même, que la baisse de la population a commencé en 2019 alors que sa projection trois ans avant indiquait qu’elle aurait lieu en 2029. Les projections de l’auteur, notées Yi, sont plus basses encore, puisque dans un scénario où le taux de fécondité serait de 0,8 (plausible selon l’auteur, voir plus bas), la population descendrait en dessous de celle des États-Unis en 2100, ce qui n’est pas forcément choquant pour un pays d’une superficie quasiment égale.
Bon, nous direz-vous, le WPP se trompe, mais il s’agit là d’erreurs de prévision, péché véniel sachant qu’à côté de la prospective démographique à long terme et, plus encore, économique, la tireuse de cartes fait souvent figure de scientifique de haut vol.
Mais c’est le présent qui pose problème. L’auteur se base sur les statistiques d’enfants scolarisés, un chiffre facile à produire et qui, s’il est manipulé (par exemple, pour attraper des budgets publics), le serait pour des raisons différentes. Il en conclut que la population a été copieusement surestimée avant l’épisode Covid. Au chiffre de 1,43 milliard du WPP à aujourd’hui, il oppose son estimation de 1,28 milliard au maximum. Il donne comme exemple un sondage de 2016 qui indiquait 13 millions de naissance, chiffre qui a été gonflé à 18,83 millions. On aurait ici un nouvel exemple de la loi de Goodhart, pour qui un chiffre surveillé politiquement devient vite un chiffre faux. Le WPP donne un taux de fertilité de 1,31 (le taux de renouvellement se situant autour de 2,1) alors que – pour ce que vaut l’argument – celui des Chinois ethniques vivant à Taiwan, Macau, Hong-Kong et Singapour, proches culturellement et non affectés par la politique de l’enfant unique, est de l’ordre de 1,1.
Baisse démographique veut dire aussi vieillissement. Il serait donc beaucoup plus rapide qu’un Graphique précédent de Vox-Fi l’indiquait. Et beaucoup plus forts les défis pour les autorités publiques.
À la décharge de la Chine, il faut noter que ce repli démographique concerne au plus haut point l’ensemble du continent asiatique, comme l’indique cet autre graphique tirée de données du même WPP 2022.
On note le cas spectaculaire de la Corée du sud. La Chine se situe en dessous, mais probablement pas de beaucoup si l’on en croit les dires du professeur Yi Fuxian.