Bien que le parlement grec ait donné au gouvernement un peu d’oxygène avec son vote de confiance du mardi 21 juin, un défaut de la Grèce paraît inévitable. Avec un ratio dette sur PIB de plus de 150 %, des déficits annuels importants et des taux d’intérêt à plus de 25 %, la seule question est : « quand le défaut se produira ? » Les négociations actuelles, en effet, ne portent que sur le report d’un défaut inévitable.

Si la Grèce était le seul pays insolvable en Europe, il vaudrait mieux que le défaut advienne maintenant. Couper sa dette de moitié et la remplacer par une dette portant des taux d’intérêt bas permettraient à la Grèce de servir sa dette sans la douleur atroce qu’impliquerait un remboursement aux conditions actuelles.

[quote type= »center »]Un défaut d’Athènes pourrait déclencher des défauts du Portugal, de l’Irlande et peut-être même de l’Espagne.[/quote]

Mais la Grèce n’est pas la seule à être insolvable et un défaut d’Athènes pourrait déclencher des défauts du Portugal, de l’Irlande et peut-être même de l’Espagne. Les pertes résultantes détruiraient de grandes quantités de capital des banques et d’autres créanciers en Allemagne, en France et dans d’autres pays. Il y aurait un assèchement du crédit offert aux entreprises dans toute l’Europe et, peut-être, un effondrement de grandes banques européennes.

Cette inévitable contagion, avec ses conséquences possibles pour le système financier européen, est la raison pour laquelle la BCE est déterminée à éviter un défaut en ce moment. Le défi est donc de trouver les moyens de différer le défaut assez longtemps pour que les banques et les autres créanciers puissent supporter le moment venu la dépréciation des titres de dette.

Le processus se complique en raison de la position du gouvernement allemand qui ne soutiendra la fourniture du crédit à la Grèce que si les créanciers privés existants y participent. La BCE insiste sur le fait que la participation des créanciers privés doit être « volontaire » afin qu’aucun défaut technique ne puisse être décrété.

La caractéristique essentielle de toute solution est donc pour les porteurs d’obligations existantes de « volontairement » donner leur accord à une capitalisation des intérêts dus et de fournir de nouveaux prêts pluriannuels à un taux d’intérêt inférieur au marché pour remplacer les obligations arrivant à maturité. Cela devrait satisfaire la demande allemande.

Mais comment obtenir des créanciers existants qu’ils s’accordent sur ces termes ? Si cela doit être non obligatoire, ce doit être dans l’intérêt de chaque créancier de le faire. Trois choses pourraient rendre cela possible.

D’abord, si une banque ne capitalise pas les intérêts et ne fournit pas un nouveau prêt, l’ancien prêt sera en défaut, réduisant le capital comptable de la banque et sa capacité à prêter. Les banques et autres créanciers voudront éviter cela. Ensuite, la BCE a indiqué que la dette restructurée qui serait le résultat d’un défaut ne sera pas admise à titre de garantie à la banque centrale, tandis que les nouveaux prêts accordés volontairement le seront. Enfin, il y aura une pression des pairs parmi les banques à reconnaître qu’il est de leur avantage d’éviter un défaut.

Éviter une perte de fonds propres comptables, disposer d’un actif utilisable comme garantie auprès de la banque centrale et se soumettre à la pression des pairs peut suffire pour que les banques et autres créanciers émettent de nouveaux prêts à taux favorable. Si ce n’est pas le cas, des incitations supplémentaires de la BCE et l’Union européenne seront nécessaires.

Avec le temps, les banques créancières et les autres institutions financières qui détiennent la dette de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal seront en mesure de vendre ou de transférer cette dette à la BCE ou à d’autres acheteurs potentiels et d’accumuler des profits pour renforcer leurs ratios de capital.

Lorsque la BCE en viendra à décider que les principaux créanciers ont suffisamment réduit leur détention de dette pour en supporter, sachant aussi leurs fonds propres regarnis, une dépréciation substantielle, la BCE permettra à la Grèce, l’Irlande et le Portugal d’annoncer un défaut simultané et de restructurer leur dette existante à des niveaux qu’ils peuvent confortablement servir.

Ce type de plan a bien fonctionné pour la dette latino-américaine dans les années 1980, culminant avec la substitution d’obligations Brady aux dettes existantes.

[quote type= »center »]Les dettes potentielles de l’Espagne sont plus importantes que le total des dettes souveraines de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande[/quote]

Il n’y a, bien sûr, aucune garantie que cela fonctionnera pour les débiteurs périphériques de la zone euro. Une incertitude majeure est de savoir si l’Espagne devra elle aussi restructurer sa dette. Bien que la seule dette du gouvernement central espagnol semble gérable, cela pourrait ne pas être le cas si on y ajoute les actifs dépréciés des Caisses d’Épargne et les dettes des différentes régions. Et les dettes potentielles de l’Espagne sont plus importantes que le total des dettes souveraines des trois autres nations.

Il y a deux autres problèmes qui rendent difficile le succès de cette stratégie en Europe. Premièrement, les politiques d’austérité budgétaire – qui font décroître la demande globale et le PIB dans ces pays – ne peuvent pas être compensées par les effets expansionnistes de la dévaluation des monnaies comme cela a été le cas en Amérique latine. De plus, même lorsque le surendettement est éliminé, les pays périphériques resteront non compétitifs sur les marchés mondiaux aux taux de change actuels. En tant que membres de la zone euro, ils ne peuvent pas dévaluer.

Alors régler le problème de la dette laissera encore ces pays avec des déficits de balance courante à leurs niveaux d’aujourd’hui, des déficits qui persisteront dans le futur.

 

Traduit de l’anglais par la rédaction du Blog avec l’autorisation de l’auteur. Une version anglaise de cet article est parue dans le Financial Times du 22 juin 2011.