Le dysfonctionnement du système bancaire a été au cœur de la crise de la zone euro, en raison de deux problèmes principaux.

Premièrement, la confiance est restée largement absente depuis la chute de Lehman en 2008, parce que les décideurs politiques ont refusé d’identifier les points faibles du système bancaire européen (en dépit des stress tests annuels depuis 2009). Dexia, qui a passé le test de juillet dernier avec brio (10,4 % ratio de fonds propres de base au titre des hypothèses de scénario défavorable), avant de s’effondrer le mois dernier, est le dernier exemple en date de cette complaisance.

Deuxièmement, les faiblesses du secteur bancaire et la dynamique du crédit souverain dans chaque pays se sont renforcées l’une et l’autre dans une boucle perverse. Cela passe par des garanties publiques excessives (implicites et explicites) des gouvernements nationaux envers les banques, comme en Irlande et en Espagne, et un biais domestique inexplicablement élevé dans les portefeuilles de dette souveraine européenne détenues par les banques, comme en Grèce (94 %), en Espagne (90 %), au Portugal (79 %) ou en Italie (78 %). En conséquence, les problèmes budgétaires et bancaires s’auto-entretiennent mutuellement dans chaque pays, ce qui est incompatible avec une union monétaire durable.

Sur cette base, il est bien difficile de considérer le plan annoncé par les dirigeants européens fin octobre comme un progrès. Le plan de recapitalisation ne passe pas le « test de Dexia » : sur la base des informations publiquement disponibles, il n’aurait pas conduit à forcer cette banque si « bien capitalisée » à lever de nouveaux fonds propres.

Parce qu’il repose sur des évaluations de qualité douteuse, le plan risque de provoquer tous les coûts économiques inhérents à l’augmentation des ratios de fonds propres (diminution des encours de crédit, dilution des actionnaires) sans les bénéfices du retour de la confiance, faute d’avoir pu convaincre que les maillons faibles du système auront bien été traités.

Dans le même temps, parce que de nouveaux fonds et garanties devront être apportés par les États, la connexion entre souverains et systèmes bancaires nationaux sera encore renforcée. Cela risque d’aggraver la dynamique de la dette des pays périphériques ainsi que la méfiance vis-à-vis de leurs banques. Par ailleurs, cela créera un sentiment d’injustice, dans la mesure où des banques bien gérées de pays fragiles devront réduire leurs engagements, alors que des banques mal gérées dans les pays moins exposés pourront allègrement déployer leur bilan à l’international.

Les décideurs politiques européens doivent tirer les conclusions de ces trois dernières années. Une application honnête du principe de subsidiarité consisterait à ne pas agir au plan national, mais de créer un véritable cadre fédéral au sein de l’eurozone pour les politiques publiques en matière bancaires.

Cela pourrait notamment inclure le placement de tous les systèmes nationaux d’assurance des dépôts sous la garantie explicite du FESF pour réduire le risque de paniques bancaires (bank runs) dans les pays en difficultés ; et une nouvelle évaluation de la qualité des bilans par l’EBA, qui ne soit pas dépendante des autorités de régulation nationales qui ont échoué dans leur rôle au moment des précédentes stress tests. L’EBA pourrait s’appuyer sur des cabinets privés, comme l’Irlande l’a fait cette année avec l’audit de ses banques confié à BlackRock.

Les dirigeants devraient ensuite mettre en place une équipe dédiée pour négocier la restructuration des banques qui, sur la base de cette nouvelle évaluation, ne pourraient restaurer leurs fonds propres toutes seules. Une option consisterait à créer une entité fiduciaire à l’échelle de l’eurozone qui aurait autorité pour prendre le contrôle des banques en difficulté au nom des États membres concernés, revendrait leurs activités viables à des investisseurs qualifiés, et gérerait temporairement les actifs résiduels.

À plus long terme, l’EBA doit être dotée de pouvoirs de supervision et de résolution des principales banques, au moins à l’échelle de la zone euro, et travailler en collaboration avec les autorités nationales, comme le fait la Commission européenne en matière de concurrence avec les gouvernements nationaux.

Du point de vue politique, un tel fédéralisme bancaire pourrait se révéler encore plus difficile à mettre en place qu’un fédéralisme budgétaire vis-à-vis duquel les résistances nationales ont commencé à s’éroder. Mais des mesures telles que celles proposées ci-dessus sont une composante indispensable à tout plan de sortie de crise crédible.

La zone euro ne peut pas prospérer sans un système bancaire intégré, qui n’est pas possible sans un cadre de politique bancaire également intégré. Mieux vaut commencer dès maintenant.