La dette des collectivités locales s’établira fin 2009 à 132 milliards d’euros et représente 6,9 % du PIB (source Dexia). Le mode de financement des collectivités locales reste essentiellement un financement bancaire à 96 %, la dette obligataire ne représentant que 4 % des modes de financement. En effet, malgré la crise financière et le renchérissement des conditions de crédit, le financement bancaire classique demeure le principal mode de financement des collectivités. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Mode de financement souple et facilement mobilisable, le financement bancaire classique continue en effet à proposer des conditions de financement très correctes (marge entre 30 et 50 bp sur euribor). À noter qu’avant la crise, les conditions bancaires proposées aux collectivités locales offraient des marges quasi nulles (entre 0 et 5 bp…), ce qui peut laisser rêveur un directeur financier d’entreprise… Les collectivités sont en effet « cookées » à 1,6 % alors que les entreprises le sont à 8 %. Enfin, il propose des financements amortissables correspondant mieux aux contraintes budgétaires d’une collectivité (prégnance des emprunts amortissables sur 15 ans).

Le recours aux swaps : un marché envoie de développement. Les collectivités sont autorisées à recourir au marché des dérivés depuis 1992. Ce marché reste toutefois accessible à une minorité de collectivités. On considère que moins de 15 % des collectivités y ont recours.

Le recours au marché obligataire demeure lui aussi limité à certaines strates de collectivités qui ont des besoins récurrents. En effet, la nécessité d’amortir les coûts de mise en place et la taille minimum de 30 millions d’euros pour y accéder limitent les intervenants sur le marché. Certaines initiatives d’emprunts groupés ont ainsi vu le jour, à l’instar des Communautés urbaines et des Centres hospitaliers universitaires (CHU), pour pallier ces contraintes. Un projet de véhicule financier commun à l’ensemble des collectivités est d’ailleurs en cours d’étude.

Un marché concentré. Les principaux prêteurs restent Dexia et le groupe Banque Populaire Caisse d’Épargne. Dexia, traditionnellement principal prêteur aux collectivités, perd néanmoins des parts de marché avec la crise financière. Les banques étrangères sont encore peu implantées et sont, elles aussi, en retrait depuis la crise financière. Ce marché a longtemps été concentré et fortement concurrentiel, notamment en raison de l’impact des conditions particulièrement attractives offertes aux collectivités (voir « La répartition des prêteurs sur le plan national »).

 

LA VÉRITÉ SUR LES PRODUITS TOXIQUES…

L’effervescence médiatique autour de la toxicité de la dette du secteur public a certes été un peu excessive, mais elle a eu le mérite de mettre en lumière le risque et la complexité de certains produits bancaires. La répartition du risque de taux des collectivités locales demeure majoritairement indexée en taux fixes à 61 %. Mais 23 % d’entre eux sont des taux fixes dits faibles car comportant une option de passage à taux variable. La part de ces emprunts dits structurés1 s’est légèrement réduite avec la crise, mais demeure supérieure à 20 % de la dette en moyenne (voir« Le risque de taux moyen national »). Le coût de la dette reste toutefois encore réduit : le taux moyen de la dette des collectivités au 31 décembre 2008 s’établit à 3,86 %. Les produits vendus aux collectivités ont atteint avant la crise un paroxysme de complexité : emprunts à barrières désactivantes pariant sur la parité dollar/yen ou sur la pente en CMS2

Par exemple, une proposition bancaire prévoyait que la collectivité en cas de dépassement d’une barrière sur la pente paye un taux de 10,45 % – 10 x (CMS10 – CMS2). L’utilisation d’un coefficient multiplicateur de 10 signifie qu’une variation de la pente de 0,30 % a un impact sur le taux de 3 % ! Avec ces produits, le risque devient un véritable jeu de roulette russe. Ces produits bancaires sophistiqués ne sont pas critiquables en soi car ils peuvent même constituer une opportunité de marché. Leur dangerosité provient d’une part de la difficulté d’en recalculer le prix : à défaut de disposer d’outils de cotation en temps réel, la collectivité n’a pas les moyens de calculer le prix de ces produits, surtout dans les plus petites collectivités qui se sont vu proposer les mêmes produits. Les banques en ont profité pour reconstituer les marges qu’elles ne pouvaient plus afficher dans les emprunts avec des taux classiques. D’autre part, les collectivités ne peuvent en apprécier le risque et en mesurer l’impact sur leur dette : elles ne pratiquent pas le mark to market3 comme dans le secteur privé. Mais alors, comment expliquer leur présence dans la dette des collectivités ? Dans un contexte de marges quasi nulles sur les financements classiques et pour se démarquer de la concurrence, les banques ont redoublé d’imagination en proposant des produits de plus en plus sophistiqués et bénéficiant d’une cosmétique alléchante, utilisant de véritables techniques marketing à la moralité parfois douteuse. Pour les collectivités, c’est la recherche de gains budgétaires avant tout qui a guidé les esprits peu avertis vers des produits dont le risque n’était pas toujours appréhendable.

 

L’EFFET DE LA CRISE SUR LES CONDITIONS DE FINANCEMENT

La médiatisation des produits structurés aura permis d’arrêter la course vers la complexité des produits bancaires et un retour vers des produits plus classiques. Le renchérissement des conditions bancaires (en termes de marges et de réapparition de frais et commissions diverses qui peuvent représenter entre 5 et 15 bp et qui avaient disparu) a entraîné un regain d’intérêt pour des modes de financement complémentaire : marché obligataire, prêts bonifiés auprès de la BEI ou de la CDC, crédit bail optimisé, billets de trésorerie… La durée des financements a été raccourcie : sauf sur des financements spécifiques, il est désormais plus difficile de trouver des financements sur des durées supérieures à 20 ans. Enfin, la crise se sera traduite par une tentative d’assainissement des relations entre banques et collectivités à travers la signature d’une charte nationale, qui ne demeure qu’une simple bonne intention4. Mais cet assainissement sera il réellement durable ?

 

Cet article est une reproduction d’une contribution originale pour la revue échanges datée de février 2010.

 

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1. Les produits structurés sont des emprunts classiques bonifiés comportant une ou plusieurs options de taux.

2. CMS = Le Constant Maturity Swap est un taux de swap fictif calculé et publié par un organisme officiel (IFR) pour une maturité déterminée.

3. Évaluation d’une position sur la base de sa valeur observée sur le marché, ndlr.

4. L’Afigese estime en effet que la charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités territoriales, proposée à l’initiative des pouvoirs publics par Eric Gissler, inspecteur général des Finances, reprend des engagements de bon sens, mais que certains d’entre eux méritent des corrections techniques ou des améliorations, ndlr.

 

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L’afigese

 

➥ Créée en février 2000, l’Afigese réunit sous la même bannière les professionnels des finances, de la gestion et de l’évaluation qui partagent un certain nombre de valeurs fondamentales et qui ont le souci de défendre la libre administration des collectivités territoriales, la notion de service public, le professionnalisme et le partage des cultures.

 

➥ Elle organise une manifestation annuelle appelée les Assises de la fonction financière, du contrôle de gestion et de l’évaluation des politiques publiques des collectivités territoriales, propose des formations et anime des groupes de travail sur tout sujet concernant les métiers de ces trois fonctions.

 

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