Le Fonds Monétaire Européen (FME) serait un avatar régional du FMI : une dotation initiale par les pays membres, une capacité à lever l’emprunt et l’accompagnement de pays en situation financière difficile. Là s’arrête la comparaison.

La gouvernance du FMI est dévolue à un conseil d’administration transnational et à un directeur général aux pouvoirs les plus étendus pour mettre en place les prêts et imposer les mesures nécessaires aux pays dont la balance des paiements est lourdement déficitaire. Il s’appuie sur une expertise de diagnostic reconnue et sur des remèdes toujours classiques mais moins brutaux depuis la crise financière et la nomination de son nouveau directeur général. L’expérience actuelle montre que cette expertise technique n’existe pas au sein de la haute fonction publique bruxelloise.

René Girard nous a expliqué le rôle nécessaire du bouc-émissaire afin d’éviter que des individus ne se retrouvent face-à-face entre eux et n’oublient qu’ils appartiennent à un groupe. Le rôle de la violence dite « sacrificielle » est de déplacer l’objet (culturel, économique…) de cette violence – ici intra-européenne -, de lui donner un objet de « condensation » qui sorte les rivaux de leurs affrontements interminables.

On peut penser que la crise européenne entre dans cette phase. Le FMI, avec son caractère vraiment international et non soumis à des élections populaires, remplit ce rôle. Un FME, en revanche, placerait l’Europe en situation de bouc-émissaire du pays indélicat, comme on le voit entre la Grèce et l’Allemagne, et l’on perçoit mal quelle nouvelle légitimité particulière permettrait au FME de résister aux mouvements de rues inévitables dans un pays qui doit baisser son niveau de vie. Tous éléments qui conduisent, en ce moment la Grèce… aux portes du FMI !

Si l’Allemagne, pour créer le FME, acceptait que les traités européens fussent changés, elle pourrait alors participer à un bail out ou soutien à un autre Etat et un FME deviendrait ipso facto inutile ! Notons que l’Allemagne via sa quote-part du FMI, pourrait être amenée à financer un pays européen ; mais de façon diluée, anonymement. Les traités européens entraveraient donc davantage l’Europe que des traités internationaux ? Enfin, la mise en œuvre de ce FME exigerait une révision des traités européens qui prendrait plusieurs années. Sachant les difficultés de l’adoption en 2008-2009 du Traité de Lisbonne, cette solution se disqualifie d’elle-même à court terme !

Que peut-on attendre à moyen terme de ce FME pour les pays de la zone Euro ? S’il s’agit de pouvoir imposer des pénalités quantitatives plus drastiques que celles prévues dans les traités, cela n’irait pas dans le sens du redressement du pays en difficulté : le malade mourrait avec les derniers sacrements, certes, mais il mourrait alors qu’il « suffit » simplement – en se fondant sur les traités existants – d’être ferme et de sérieusement sanctionner les pays sortant des guides de bonne gouvernance économique.

Sans modifier le cadre juridique de l’Union, la Banque Européenne d’Investissement a la capacité juridique de prendre à sa charge une partie des dépenses d’investissement de la République grecque (4 ou 5 % de PIB, environ). Avec une diminution des dépenses militaires à Chypre qui représentent 3 % du PIB, ce sont deux solutions rapides qui permettraient de financer 75 % de l’impasse budgétaire de l’année. Les efforts demandés par la Commission européenne seraient alors suffisants pour remettre, à l’exception près du ratio d’endettement, la Grèce à flot !

Les avantages à moyen terme de la création d’un FME sont donc faibles et l’on comprend pourquoi cette brillante idée de FME, avancée par le gouvernement allemand – comme un rideau de fumée – a été qualifiée par Madame Lagarde de « projet à moyen terme intéressant mais ne répondant pas aux questions du moment » et franchement dénoncée par le Gouverneur et autres officiels de la BCE.

Enfin, et ce n’est pas le moins important, les européens semblent envisager deux visages au FME/Janus : se donner les moyens de sauver financièrement l’un des siens « ou » pouvoir mettre effectivement à l’amende les pays insuffisamment vertueux. Il est à craindre que ce « ou » soit plus disjonctif que conjonctif !

Et pendant ce temps, la Grèce cherche toujours à franchir son mur de liquidité en levant à moindre coût les fonds nécessaires pour procéder à ses remboursements importants d’emprunts en avril et mai 2010. Le FME : un double visage pour cacher un masque de fer !

Contribution originale de la DFCG pour    Option Finance (03/10).