Au cours de posts précédents en Avril 2010, nous avions présenté les limites d’un « Fonds monétaire européen ». En juin, le plan européen prévoit un Fonds de Stabilité. En quoi, le Fonds de stabilité européen est-il différent de son virtuel précurseur ? Peut-on s’en réjouir ?

Le fonds monétaire européen prévoyait la constitution d’une dotation initiale par les pays membres, d’une capacité à lever l’emprunt et à accompagner un membre en situation budgétaire délicate. Il s’agissait de créer un avatar du FMI doté d’ un Conseil d’administration transnational et d’un Directeur Général aux pouvoirs les plus étendus pour mettre en place les prêts et imposer les mesures nécessaires aux pays dont le solde budgétaire est excessif.

Ce schéma, avec son caractère institutionnel, s’opposait à l’article 125 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TUFE) qui interdit expressément aux États membres de prendre à leur charge les engagements financiers d’un gouvernement national (en l’occurrence d’aider à combler un déficit budgétaire) sauf dans les cas, prévus à l’article 122 du TUE, de menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle.

Cette construction aurait été un embryon d’ « Agence Européenne de la Dette » placée sous l’autorité de l’Eurogroupe et non de la Commission Européenne.

Le gouvernement allemand, appuyée tacitement par Monsieur BARROSO (cf supra), a refusé cette solution, préférant la voie pragmatique retenue le 9 mai 2010 de la mise à disposition d’une facilité de trésorerie de 750 milliards d’euros dont 60 avancés par la commission européenne, 440 par le FMI et le solde soit 250 milliards d’euros par le fonds de stabilité européen. Le montant permet de couvrir les besoins de financement prévus des trois pays en situation délicate et représente 4% du PIB de la zone Euro. Ce programme a été entériné par les parlements nationaux concernés sans que leur soient présentés les « détails » opérationnels qui font l’objet des discussions actuelles et qui portent sur le niveau de solidarité des partenaires entre eux et les taux d’intérêt applicables.

Le projet actuel prévoit que chaque membre est engagé à apporter, et est donc responsable, jusqu’à 120% du montant maximum qu’il aura engagé. Cela présente des avantages et des inconvénients. Les marchés n’ayant jamais cru que tous les européens mettraient au pot (jusqu’à 250 milliards d’euros), en cas de cessation de paiement de l’un d’entre eux, il est sain de savoir avec un grand niveau de certitude, que les deux principaux pays de la zone Euro s’engageront fermement puisqu’ils ne pourront plus objecter un refus de solidarité totale entre eux. Et ces montants « fermes » sont significatifs et suffisants pour rassurer des investisseurs.

En effet, 120 % de la part des allemands et des français représentent 120% x (25+20)% soit 54 % de la facilité européenne de 250 milliards , montant auquel s’ajoutent les 60 milliards d’Euros de la commission ( mutualisation sur laquelle les allemands sont fort heureusement restés silencieux) et les 440 milliards du FMI.

Face à une incertitude initiale sur le bien-fondé et le mode d’utilisation de ces 750 milliards, questionnement qui a entrainé un plongeon des marchés dès la semaine du 17 Mai, les marchés ont, maintenant la certitude de l’activation, si nécessaire, de 635 milliards d’euros.

Notons que, de fait, les allemands ont accepté d’être solidaires de la France, ce qui n’est pas mince… de leur point de vue.

Les inconvénients de ce fonds concernent le coût de l’opération pour les participants.

En effet, avec cette limite supérieure du seuil de responsabilité solidaire, les marchés demanderont un taux d’intérêt reflétant cette donnée et les émissions de la facilité ne seront probablement pas notés AAA ou l’équivalent. Le taux d’intérêt des prêts pratiqué sera calculé comme un barycentre des taux de chaque émission de dette nationale affecté des proportionnalités dans la facilité. En conséquence et hors risque de contrepartie, ces opérations de financement seront allouées à un prix permettant à l’Allemagne, à la France, aux Pays-Bas… de dégager une marge positive, quand les pays européens périphériques dégageront une marge négative, alors qu’ils doivent réduire drastiquement leurs coûts par ailleurs.

Enfin, il convient de rappeler que les 60 milliards allouables par la Commission, de même que la ligne du FMI dont les Européens possèdent 35% du capital, ont été validés par tous les Européens dans leur ensemble.

On comprend donc que, face à l’urgence du moment, des mesures conjoncturelles ont été prises et que tous les participants de la zone Euro y compris la BCE avec ses assouplissements qualitatifs (prise en pension d’emprunt d’état, grec, muni d’une note inférieure à AAA), ont fait des efforts. Quand les membres d’un groupe atteignent un consensus qui rend chacun mécontent, c’est qu’il s’agit d’un bon accord !

Les avantages de ce FSE, pragmatique par rapport au FME, l’emportent sur les inconvénients.

Certes les discussions inter-gouvernementales du moment ne sont pas accessoires. Mais le plus important, l’engagement envers l’Euro de tous les européens a été démontré. Et ce n’est pas la glissade actuelle de l’Euro qui doit nous faire bouder notre soulagement et notre plaisir. Au contraire !