Nombre d’entre vous se souviennent peut-être de ce best seller d’Octobre 2006 (« Le jour où la France a fait faillite » *), paru entre le rapport Pébereau de 2005 et l’élection présidentielle de 2007 (les dates ont leur importance…).
En le résumant au maximum, ce scénario de politique-fiction (qui se lit d’une traite tellement on a hâte de savoir la suite) décrit les conséquences cataclysmiques d’une dégradation en 2012 au rang de BB+ des obligations assimilées du Trésor ( O.A.T.), par lesquelles Bercy finance la dette.

Les 150 milliards d’Euros que la France doit trouver dans l’urgence (montant proche des 120 Mds d’€ dont ont besoin les Grecs en 2010), la cure d’austérité imposée par l’Europe sur un ton inamical et cassant (où les Polonais remplacent les Allemands d’aujourd’hui dans le rôle du méchant), ainsi que le F.M.I. (autre parallèle…), engendrent un séisme culturel et social comparable aux manifestations qui se sont déroulées la semaine dernière à Athènes… Il y a même moins de morts dans le livre que dans la Grèce de 2010.

Et la France doit boire le calice jusqu’à la lie quand elle doit accepter une exigence allemande : mettre en gage à Francfort le tiers de l’encaisse-or de la Banque de France, enlevée en catimini à 4 heures du matin par des camions blindés se garant discrètement Rue Croix-des-Petits Champs…

Ce qui a fait le succès du livre dès sa parution , c’est que le sous-jacent technique ne faisait que prolonger les tendances observées les années précédentes à 2012 (hors crise des subprimes non prévue) : rapport Pébereau ignoré de la classe dirigeante, cécité de la classe politique (l’œil rivé sur la ligne bleue de la prochaine élection), aveuglement des syndicats pour lesquels « un état ne peut faire faillite », éructation de l’extrême gauche pour laquelle « il n’ y a qu’ à faire payer les riches », etc.

En clair, le fond du livre était vraisemblable, sinon possible : c’est ce qui le rendait si effrayant.

Toutefois, le lecteur français pouvait être tenté, en 2006, de se dire : pas nous ! Les pays du « Club Med » à la rigueur, mais pas nous ! Jugement conforté par la capacité reconnue de l’Etat français à faire rentrer l’impôt, mais de manière de plus en plus insuffisante, comme l’ont de nouveau constaté les Français lors de la réception de leur imprimé de déclaration de revenus 2009 : les recettes prévues pour 2010 ne couvriront les dépenses qu’à 64 % ! (83% avant la crise).

Aurions- nous la même belle assurance aujourd’hui ?

Il nous reste à espérer que les mesures annoncées hier par les ministres des Finances de l’U.E. suffiront à rassurer les marchés, si l’on veut éviter que la situation du livre de P.Jaffré devienne notre réalité dans deux ans (et peut-être avant).

(*) De Philippe Jaffré et Philippe Riès (Ed. Grasset)