On a tout dit ou presque, ces dernières années, sur la micro finance et en particulier sur le microcrédit dont les terres d’élection sont en général bien loin des pays occidentaux. Quand on évoque les populations démunies lointaines, on admet facilement que la micro finance est un instrument de lutte contre la pauvreté et que les services proposés par les IMF (institutions de micro finance) sont une alternative efficace pour les clients pauvres n’ayant pas accès aux institutions financières classiques. Paradoxalement, le raisonnement a eu du mal à s’imposer dans des économies développées qui pourtant fabriquent de l’exclusion.

 

On doit à l’ADIE, association française de micro finance, et à son initiatrice, Maria Nowak, d’avoir introduit la micro finance en France. Ceci en 1988. Il s’agit à présent du principal, programme de microcrédit en Europe. Le but recherché était de financer et d’accompagner la création de petites activités afin d’apporter une solution au problème du chômage qui conduit souvent à l’exclusion. Les trois grandes idées, à l’époque assez révolutionnaires, étaient les suivantes :

  • le travail indépendant et la micro-entreprise correspondent à de vrais besoins, y compris dans les économies occidentales ;
  • il faut donner l’accès au crédit aux plus pauvres pour leur permettre d’entreprendre ;
  • le microcrédit a à la fois une dimension financière et sociale.

 

En France, alors que 98% des ménages disposent d’un compte bancaire, une proportion importante (entre 20% et 30%) n’ont pas accès au crédit classique. C’est un facteur d’appauvrissement. La micro finance en France s’articule aujourd’hui autour de 3 produits : le microcrédit professionnel dont le poids est prépondérant (pour la création ou le développement d’activités économiques), le microcrédit personnel encore récent (destiné à l’insertion des personnes) et la micro-assurance encore très marginale. La législation européenne a fixé la limite supérieure à 25 000 € pour les prêts à la création de micro-entreprise, de sorte que beaucoup d’acteurs peuvent prétendre être opérateurs de microcrédits. La France a quant à elle fixé des plafonds plus réalistes aux organismes habilités à emprunter pour prêter ensuite à une clientèle en difficulté (par une modification de la loi bancaire en 2002) : les seuils sont de 10 000 € pour le microcrédit professionnel et de 3 000 € pour le microcrédit personnel.

 

Entre 2006 et 2009, près de 45 000 microcrédits professionnels extra-bancaires ont été décaissés (très majoritairement par l’ADIE) pour un montant total de 135 M€ (soit environ 3 000 € par prêt). Parallèlement sur la même période, 11 500 microcrédits personnels ont été octroyés par les banques à des personnes à faible revenu, avec la garantie du Fonds de Cohésion Sociale et pour un total de 26 M€. La France se distingue des autres pays européens par une implication plus forte et grandissante des banques, que ce soit directement (dispositif interne comme le parcours confiance des Caisses d’Épargne) ou indirectement (refinancement des microcrédits et appui financiers aux IMF). La France est aussi le seul pays d’Europe avec la Roumanie à posséder une législation spécifique pour la micro finance, ce qui confère une visibilité tout à fait unique à ce secteur tant auprès des pouvoirs publics que du grand public.

 

Outre le microcrédit, les clients peuvent bénéficier au moment du lancement de leur activité d’un prêt d’honneur, d’une prime à la création d’entreprise et d’un apport familial. Avec un apport moyen inférieur à 10 000 € qui peut apparaître modeste, les micro-entrepreneurs se lancent dans une grande variété d’activités. La répartition sectorielle est assez stable depuis plusieurs années, les activités de commerce dominant largement avec près de la moitié des créations (notamment grâce au commerce ambulant). Viennent ensuite les services, le bâtiment et l’hôtellerie-restauration. La liste des métiers pratiqués par les porteurs de projets est très fournie mais on peut en citer quelques uns parmi les plus courants : vente sur les marchés, coiffeuse à domicile, élagueur, artisan en retouches et confection, vente de produits sur internet, restauration rapide, peintre en bâtiment, carreleur, styliste, apiculteur, création d’objets de décoration, maintenance informatique, traiteur, etc.

 

Le profil des micro-entrepreneurs est un peu plus jeune que celui de la moyenne des créateurs d’entreprises en France (27% vs 21%) alors que le poids relatif des seniors est équivalent à la moyenne nationale (16%). Le niveau de formation des clients financés montre qu’entreprendre est avant tout une question d’énergie et non pas nécessairement de diplômes. En 2009, 26% des clients de l’ADIE savaient au maximum lire, écrire et compter et 7% d’entre eux étaient illettrés.

 

Compte tenu de la complexité de l’environnement institutionnel et réglementaire notamment en France, l’accompagnement est un impératif pour la réussite de la micro-entreprise. Au-delà de la mise au point du projet et de son financement, il est indispensable de proposer aux clients des conseils, des services et des formations adaptés à leurs besoins, pendant toute la durée de remboursement du prêt. En France, ces services complémentaires proposés par les IMF, sont largement financés par les pouvoirs publics (des grands établissements publics comme la CDC jusqu’aux collectivités locales). La particularité du modèle français est la mixité du financement du secteur de la micro finance : que ce soit pour le financement des services d’accompagnement, le refinancement des microcrédits ou bien les garanties, les ressources proviennent des banques, des subventions publiques et du mécénat d’entreprises.

 

Un rapport d’évaluation de la micro finance, commandé à l’Inspection Générale des Finances par Mme Lagarde a donné lieu fin 2009 à des propositions concrètes :

  •  Mieux définir les notions de microcrédits professionnels et personnels et leur assurer un suivi statistique au niveau national.
  • Pérenniser les dispositifs d’accompagnement et de garantie.
  • Inciter les banques à poursuivre leur implication.

Ces propositions marquent une reconnaissance du microcrédit et favorisent une offre mieux adaptée. C’est de bon augure pour les porteurs de projets en difficulté économique et s’inscrivent dans le sillage du récent statut de l’auto-entrepreneur.

 

 

En savoir plus :

– Rapport annuel 2008 de l’observatoire de la microfinance (Banque de France, 2008)
Le microcrédit, rapport 2009-M-085-03 ( Inspection Générale des Finances, dec 2009)
2008 Microfinance funder survey, global results (CGAP, nov 2008)

– Le guide de la microfinance, microcrédit et épargne pour le développement (Boyé, Hajdenberg, Poursat, édition d’organisation , 2009)

 

Cet article a été publié une première fois sur Vox-Fi le 25 juin 2010.