Le Monde va bien, l’Europe moins bien
Tel est le constat fait par l’économiste Jean-Pierre Petit lors du dernier colloque de lFSP. Globalement l’économie mondiale semble résister aux derniers soubresauts des marchés financiers. L’Asie, suivie des autres pays du sud-est asiatique, affiche un taux de croissance de près de 9 %. De l’autre, l’Europe occidentale, Royaume-Uni inclus, avec ses 10 % de chômeurs, ne devrait pas dépasser 1 % de croissance, si elle y arrive. Signes positifs pour l’économie, le commerce mondial montre des frémissements de reprise, la production d’acier et les semi-conducteurs également, le PMI global est stable autour de 502. Le PIB des pays émergents, qui représentent maintenant près de 50 % de l‘économie mondiale, continue de croître et compense la baisse de celui des pays les plus avancés. Si en matière de PIB, l’Europe n’est ni plus ni moins médiocre que le reste du monde occidental, elle se caractérise cependant par une très grande hétérogénéité, notamment en matière de coût unitaire du travail.
« Le Monde va bien, l’Europe moins bien ». Tel est le constat fait par l’économiste Jean-Pierre Petit lors du dernier colloque de lFSP1. Globalement l’économie mondiale semble résister aux derniers soubresauts des marchés financiers. L’Asie, suivie des autres pays du sud-est asiatique, affiche un taux de croissance de près de 9 %. De l’autre, l’Europe occidentale, Royaume-Uni inclus, avec ses 10 % de chômeurs, ne devrait pas dépasser 1 % de croissance, si elle y arrive. Signes positifs pour l’économie, le commerce mondial montre des frémissements de reprise, la production d’acier et les semi-conducteurs également, le PMI global est stable autour de 502. Le PIB des pays émergents, qui représentent maintenant près de 50 % de l‘économie mondiale, continue de croître et compense la baisse de celui des pays les plus avancés. Si en matière de PIB, l’Europe n’est ni plus ni moins médiocre que le reste du monde occidental, elle se caractérise cependant par une très grande hétérogénéité, notamment en matière de coût unitaire du travail.
L‘Allemagne y joue un rôle dominant. Son positionnement stratégique et la faiblesse relative de ses coûts de production lui donnent un avantage concurrentiel pour satisfaire la demande mondiale non européenne et accumuler des excédents courants. Malgré cela, les Allemands continuent de « sous-consommer » et les autres pays européens restent très déficitaires. L’Irlande et l’Espagne font exception avec une amélioration de leurs comptes bilatéraux, mais au détriment de la France et de l’Italie, déjà déficitaires, et non vis-à-vis de l’Allemagne et des autres pays excédentaires de l’Europe du nord.
« Le vrai problème, dit Petit, ce sont les déficits extérieurs et, de façon plus générale, les besoins de financement extérieurs croissants des pays déficitaires. On pourra trouver un ensemble de facteurs pour expliquer cette situation et son corollaire, la baisse des commandes à l’industrie depuis 3 mois : le tsunami japonais, les problèmes politiques en Afrique du nord, la gouvernance américaine, l’effet richesse dû à la baisse de l‘Eurostoxx, les effets de réduction des déficits publics… Il n’en reste pas moins que l’Europe est entrée en récession. »
Cette constatation clinique par Jean-Pierre Petit de la situation économique européenne est incontestable. La suite de son exposé, selon lequel « la logique comptable de réduction du ratio dette/PIB et l’incidence des réductions de déficits par la baisse de la dépense ou par la hausse des impôts ne sont pas de nature à relancer l’économie et, au pire, sont annonciateurs de déflation », l’est peut être un peu moins. L’enchaînement mécanique réduction du ratio dette/PIB et réductions de déficits entraînant inéluctablement récession et déflation n’est absolument vrai que si l’on ne change pas les règles du jeu.
Si on sort maintenant du cadre strict de l’existant et qu’on ne considère plus comme un tabou absolu la possibilité de mettre en cause les règles actuelles de l’OMC, il est fort à parier que les déséquilibres des balances externes puissent se rééquilibrer par une compétitivité retrouvée des industries européennes. Dans cet esprit, ne serait-il pas souhaitable/envisageable d’imposer, comme contrepartie des échanges sans droits des marchandises et des services, la libre flottaison des devises des membres de l’organisation ?
En admettant même que cette solution ne trouve pas le support nécessaire pour arriver à un consensus et qu’il ne soit même pas possible de convaincre les autres pays occidentaux de créer une OMC2 où ne seraient admis que les pays qui accepteraient la libre flottaison de leur devise en contrepartie d’une liberté échanges de marchandises, il resterait encore la solution d’un ciblage fiscal.
Celui-ci permettrait de mettre en place une TVA majorée de manière à compenser les différences de coûts de production en provenance de pays en quasi-monopole sur certains produits du fait de l’inefficience de l’équilibrage des coûts de production et donc de la compétitivité des pays par les variations des parités de change. Les pistes de solutions exposées ci-dessus ne sont pas exhaustives et mériteraient certainement une analyse d’impact approfondie sur un ensemble hétérogène d’économies interconnectées. En première analyse, il n’est pas incongru d’imaginer que les mesures suggérées puissent avoir, pour les pays européens, un impact équivalent à celui d’une dévaluation de l’euro. Le coût des importations s’en verrait forcément augmenté mais, avec 10 % de chômeurs, il est peu probable que cela puisse avoir un effet très notable sur l’indice des prix, d’autant que le ciblage fiscal épargnerait les produits de première nécessité. En aurait-il un, l’inflation allégerait d’autant le coût de la dette. Dans un second temps, il n’est pas interdit de penser que ce type de taxation ciblée puisse également conduire à une réduction des déficits extérieurs, une reprise des investissements industriels, une réduction du taux de chômage et, qui sait, une modification des règles du système d’échanges internationaux avec une flottaison généralisée des devises en fonction de leur compétitivité.
Moins optimiste sur la capacité des politiques à imposer de telles mesures à leurs multinationales, Jean-Pierre Petit imagine plutôt un avenir très sombre avec : une croissance limitée à 0,5 % voire 1 % en Europe, 2 % aux États-Unis, une réduction des crédits bancaires, avec en sus un risque de réduction de la croissance américaine à 0,5 %, si Républicains et Démocrates n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les coupes à faire dans les dépenses fédérales. Seule lueur d’espoir à ses yeux, l’augmentation des importations de matières premières et de cuivre en Chine donne une image plutôt favorable de la tendance économique chinoise alors que l’inflation semble maintenant s’être stabilisée autour de 5 % à 5,5 %. Mais ceci, dit-il, « sous réserve d’une absence de récession aux États-Unis et d’une récession de faible amplitude en Europe ».
Faut-il en conclure, comme il fait, que « le déclin de l’Europe est indéniable ». Après avoir supprimé la contrainte extérieure, elle s’est ensuite imposé un pacte de stabilité qui a ajouté une contrainte punitive à des pays déjà en difficulté, sans réflexion préalable sur comment optimiser la politique budgétaire européenne.
À la suite de ce réquisitoire accablant pour les politiques qui nous gouvernent, quatre solutions ont été proposées :
- Monétisation massive de la dette,
- Stratégie de change européenne,
- Changement de statut de la BCE,
- Offre d’une vision politique de croissance par augmentation de la dépense d’investissement de long terme du secteur privé.
Pour Jean-Pierre Petit, la mise en œuvre de telles solutions ne relève que de l’affirmation d’une volonté politique déterminée.
Qu’en conclure ?
Une monétisation massive de la dette et une stratégie de change européenne supposent, si ce n’est un changement formel de statut de la BCE, à tout le moins une modification de son mode de fonctionnement actuel, un consensus politique au niveau européen sur cette modification et quelques modifications constitutionnelles dans certains pays de l’Union. Pas impossible, mais ni évident, ni facile à réaliser à court terme.
La dernière solution est la plus dérangeante car elle remet implicitement en cause l’idée que l’on peut se faire du fondement d’une union démocratique et solidaire au service des électeurs et non au profit d’une minorité sur le seul critère de l’efficacité économique. La proposition d’une augmentation de la dépense d’investissement de long terme du secteur privé, que l’on supposera sans doute subventionnée pour assurer la rentabilité de l’investissement de long terme et accessoirement pour satisfaire à certaines obligations de service public, sonne douloureusement comme la célèbre phrase de Margaret Thatcher « Pourquoi le contribuable devrait-il payer ce que le consommateur ne veut pas payer ? »
Souhaitons-nous réellement un modèle qui privilégie une augmentation de l’inégalité et une montée du populisme ? La suppression de la contrainte extérieure a déjà conduit l’Europe et les États-Unis à des niveaux de déficits publics jamais vus à l‘exception des deux dernières guerres mondiales. Avons-nous vraiment envie d’une montée des populismes aux niveaux atteints dans les années 1930 ?
1. Institut de Financement Structuré de Paris
2. Publié par Markit l’indice indique qu’au dessus de 50 les anticipations sont haussières en dessous baissières