On traite ici de transport urbain et du centre des métropoles toujours plus congestionné. Y garer sa voiture y devient prohibitif, avec d’ailleurs une curiosité financière : plus les autorités restreignent le libre parking des voitures ou accroissent le niveau des amendes pour stationnement illicite, plus les sociétés de parkings – à capitaux privés – sont en mesure de facturer cher le prix de l’heure de parking. Beau business.

Or, c’est le sujet du jour, beaucoup d’entreprises situées au cœur de la métropole fournissent gratuitement l’accès d’un parking à leurs salariés au sein de l’entreprise ou dans un lieu très proche. Voici donc un bel avantage qui est rendu par l’employeur.

Question impertinente : pourquoi ce service dont bénéficient les salariés, à commencer par le haut de la hiérarchie de l’entreprise lorsque les places sont limitées, n’est-il pas compté comme avantage en nature, avec le traitement fiscal et social qui s’impose ?

L’impertinence vient de la demande de toujours plus d’impôts, ce qui n’est pas l’objet de ce billet. On ne sait que trop que la fiscalité, une fois mise dans les mains des pouvoirs publics, est comme un marteau : car pour eux alors, tous les problèmes à régler se mettent à ressembler à des clous.

Mais impertinence aussi pour signaler cet intéressant paradoxe : à ne pas fiscaliser cet avantage, les pouvoirs publics subventionnent en quelque sorte le recours au transport par voiture individuelle sur le lieu de travail, ceci au moment même où ils subventionnent massivement le recours au transport collectif. Ne devrait-on conseiller un peu moins de l’un et un peu plus de l’autre ?

Des membres de deux think-tanks américains (TransitCenter et The Frontier Group), travaillant sur le sujet du transport urbain, écrivent sur le sujet un document intéressant : “Who Pays For Parking? How Federal Tax Subsidies Jam More Cars into Congested Cities, and How Cities Can Reclaim Their Streets”. La conclusion : ce subventionnement n’a aucune bonne raison puisqu’on favorise le recours à la voiture individuelle aux heures de pointe, ce qui étouffe les villes et a un coût économique important.

Ils chiffrent à 7 Md$ le montant global de l’avantage pour les États-Unis, ce qui n’est pas négligeable. C’est ce qu’illustre le graphique qui suit, en limitant l’analyse aux cœurs urbains des grandes villes américaines :

Graphique : montant de l’avantage donné au stationnement d’entreprise

(en M$ pour 10 grandes villes des États-Unis)

On peut tenter un calcul analogue pour l’Ile-de-France. Elle compte 6,1 millions de salariés. Si l’on suppose prudemment que 5% des salariés y bénéficient d’un parking gratuit d’entreprise dans un quartier urbain compact et que le coût mensuel moyen d’un tel parking est de 60€, l’avantage total s’élève à 220 M€. Pas immense, pas négligeable non plus.

Et l’incohérence de la politique de transport urbain apparaît à la lecture des chiffres de subventions aux transports publics : la contribution STIF à la RATP est de 2,1 Md€ en 2016 ; et de 2,2 Md€ pour la SNCF. Et les entreprises acquittent 50% du titre de transport pour les salariés qui utilisent un transport en commun. Les garde-fous apportés par les pouvoirs publics (permis de construire restrictifs pour les nouveaux bureaux avec « trop » de parkings, labels verts dégradés, etc.) ne sont pas à la mesure du problème.

Un avantage en nature, qu’on le veuille ou non, est une composante de la rémunération.

 

Cet article a été publié sur Vox-Fi le 25 avril 2018.