L’échec stratégique de Poutine est patent dans presque tous les domaines. Et même, on cherche l’exception. L’un d’entre eux est l’économie. Parmi les atouts dont il comptait jouer avant la campagne militaire, il y avait le piège du pétrole et du gaz. Assez habilement, il avait entraîné les Européens dans une accoutumance qu’il pensait difficile à enrayer et sur laquelle il comptait pour transformer en simple grognement d’impuissance l’indignation provoquée par l’agression.

Or aujourd’hui, les importations de pétrole russe par l’Europe ont cessé et celles de gaz sont en passe de le faire. Et ceci, sans véritable déstabilisation du marché. Le prix du pétrole est encore élevé, à 80 USD le baril WTI, mais reste très inférieur à ce qu’il était par exemple entre 2007 et 2014. Le prix du gaz, malgré le rationnement russe, est tombé aujourd’hui presque à un plus bas historique, comme le montre le graphique qui suit.

Autrement dit, l’arme de l’énergie fossile a fait flop et se retourne désormais contre la Russie dès lors que cette chute mord fortement sur les recettes budgétaires du pays. Et malgré le fort choc inflationniste créé et la ponction sur les PIB européens, la croissance européenne ne semble pas fortement affectée.

S’agissant du pétrole, il n’y a pas vraiment de surprise : les Européens achètent moins à la Russie, mais la Russie redéploye facilement sa production vers l’Inde ou la Chine qui… achètent de ce fait moins sur les marchés mondiaux et libère une offre pour l’Europe. Mais pour le gaz, c’est plus surprenant, sachant la nécessité de structures logistiques lourdes et peu ajustables pour son transport (pipeline, liquéfaction et transport par bateau spécialisé).

Et pourtant l’ajustement semble s’être fait. Certes, il y a eu pour une part un hiver européen clément, un report de la demande d’énergie vers le charbon et l’arrivée d’une offre américaine de gaz liquéfié qui, au demeurant peut créer une autre forme de dépendance géostratégique. Mais il y a aussi une adaptation de la demande d’énergie en Europe. En fait, nos économies sont plus flexibles qu’on le pense, y compris s’agissant de l’énergie, ce qui pourrait être, si on oublie le charbon, un message optimiste en matière de lutte pour le climat. On se joue en Europe, pourrait-on dire, une répétition générale avant le grand lancement de la pièce : « Sus aux énergies fossiles ».

Pour la même raison, sans doute, l’économie russe s’est partiellement adaptée par un changement de ses flux commerciaux et une dépendance commerciale accrue vis-à-vis de la Chine. Même si l’on peut douter des statistiques publiques russes, comme l’indique un billet de Vox-Fi, il n’y a pas de plongeon conjoncturel, d’autant que les industries d’armement doivent tourner à plein. Assez probablement, toutefois, le choc des sanctions à l’encontre de la Russie et l’émigration d’une partie de la jeunesse éduquée auront, sur la durée, des effets bien plus forts.