Sujet du baccalauréat 2010, épreuve d’économie :  » Après avoir montré que l’insertion dans le commerce international peut favoriser le développement, vous présenterez les limites de cette relation. »

 

Ne plus être lycéen me permet sans doute une liberté de ton dont je n’aurais pas usé à 18 ans. Car traiter correctement ce sujet revient déjà à remarquer qu’il est mal posé. En effet, la question pertinente aurait été «Dans quelle mesure l’insertion dans le commerce international peut-il favoriser le développement?» ou «L’insertion dans le commerce international favorise-t-elle le développement». En introduisant d’emblée la notion de limite, le sujet réduit considérablement et à tort le champ de réflexion.

En effet, il est simple de montrer que l’insertion dans le commerce international est favorable au développement économique. Pour le traduire en termes statistiques, la relation entre le degré d’ouverture commerciale (par exemple mesuré par le ratio de la somme des exportations et des importations d’une zone au PIB) est positivement corrélée à la croissance du PIB.

Plus encore, cette assertion est l’une des rares en économie qui soit à la fois assise sur des bases théoriques solides (la loi des avantages comparatifs) et sur une abondante littérature empirique. Ce qui est vrai en revanche, c’est que certains Etats refusent de s’insérer dans l’économie internationale en menant des politiques protectionnistes, ce qui constitue l’une des causes (mais pas la seule) de leur sous-développement. Entre les deux, certains pays acceptent le commerce international, mais freinent leur adaptation à une économie ouverte.

Plan détaillé

 

1/ Le commerce entre les nations favorise la spécialisation, la productivité et la croissance.

– Démonstration théorique : la loi des avantages comparatifs de Ricardo (les nations ont intérêt à commercer entre elles).

– Vérification empirique. La relation positive entre ouverture commerciale et croissance économique est empiriquement robuste. Voir les travaux de Jeffrey Sachs et Andrew Warner. Pour une vulgarisation, mon ouvrage « Petit précis d’économie appliquée à l’usage du citoyen pragmatique » ou « L’économie sans Tabou » de Bernard Salanié. Dani Rodrick va plus loin : pour lui, l’ouverture au commerce international est un frein au népotisme et à la corruption.

 

2/ Les critiques de la loi des avantages comparatifs

On distingue deux types de critiques à la loi ricardienne. L’une est idiote (la critique marxiste). L’autre n’a pas de portée opérationnelle (celle de Krugman).

– La critique marxiste (dite de « l’échange inégal) stipule que la quantité de travail incorporée dans les exportations des pays riches est inférieure à celle des biens exportés par les pays pauvres. Il y a donc exploitation des riches sur les pauvres. Pas de chance, les études empiriques (on revient à Jeffrey Sachs) confirment que la mondialisation profite plus aux pays pauvres qu’aux pays riches (sinon d’ailleurs, pourquoi voudraient-ils tous adhérer à l’OMC ?).

– La critique de Paul Krugman est moins balourde. En effet, dans certains cas très particuliers (échange entre un grand pays capable de fixer les prix et un petit pays sans influence économique), le libre-échange peut déboucher sur un résultat sous-optimal. Problème : personne ne sait comment résoudre cette difficulté en pratique. Les remèdes potentiels (le protectionnisme par exemple) seraient bien pire que les maux).

 

3/ Les arguments protectionnistes posent de bonnes questions mais apportent de mauvaises réponses.

On peut comprendre que quelqu’un qui connaît mal l’analyse économique ait posé ce sujet (cette formulation pourrait être celle d’un sociologue par exemple). Car le libre-échange entraîne, comme le progrès technique, un phénomène de « destruction créatrice » qui est douloureux pour certaines catégories de la population. Prenez un pays comme la France. La mondialisation de l’industrie renforce ses positions, dans l’énergie électrique par exemple, mais l’affaiblit dans la sidérurgie ou la métallurgie.

C’est bien de là que vient la perception négative d’une partie de l’opinion publique sur le commerce international. Car pour être heureuse, la mondialisation doit s’accompagner d’une bonne prospective (quels secteurs sont favorisés par le contexte ? Lesquels sont pénalisés ?) et d’une action de formation adéquate (les ouvriers d’Arcelor Mittal ont acquis des compétences, il faut s’appuyer sur elles, les développer ou les repositionner…) qui évitent pertes d’emplois et creusement des inégalités.

Mais la question n’est pas celle de la limite entre commerce international et croissance, mais celle de la capacité d’un pays à profiter du commerce international. Néanmoins, il faut garder en tête le fait que l’impact de l’ouverture au commerce international sur l’emploi

– L’impact du commerce international sur l’emploi et sur les inégalités dans les pays rigides

– La quantification (en 1995, Paul Krugman a estimé à 3% la part des inégalités aux Etats-Unis liée à la mondialisation. Il a revu ces chiffres en 2007, sans pouvoir conclure sur un changement notable).

– Les solutions (formation tout au long de la vie, R&D, politique industrielle…)

 

Conclusion

En l’état actuel des connaissances, l’analyse économique ne met pas de limite a priori entre ouverture au commerce international et croissance. En revanche, elle montre que l’insertion dans le commerce international, par définition, suppose une évolution des structures productives en fonction de la concurrence et de la demande mondiale. A l’inverse, la recherche du statu quo empêche une nation de bénéficier largement des avantages du libre-échange.