Paul N. Goldschmidt est Directeur de la Commission Européenne et membre du Comité d’Orientation de l’Institut Thomas More. Il offre à Vox-Fi l’un de ses billets posté le 14 Septembre sur son site : www.paulngoldschmidt.eu

 

La frénésie qui s’est, de manière compréhensible, emparée du Royaume-Uni à l’approche du référendum sur l’indépendance écossaise est aggravée par la surenchère de dernière minute de la part des partis politiques traditionnels, poussés à offrir des concessions pour sauver l’Union à tout prix !

Alors que de nombreux débats se tiennent concernant les avantages et inconvénients d’une sécession, la question de la future relation de l’Ecosse avec l’Union Européenne n’a été abordée que très partiellement.

Certes, il a été pointé du doigt que si le « Oui » est majoritaire, l’Ecosse devra entreprendre une procédure d’adhésion pour rejoindre l’Union. Alors qu’il y a peu de doutes que la rédaction du Traité impose cette procédure formelle, il semble, par contre hypocrite – sinon carrément inacceptable – de mettre en doute l’issue d’une telle demande, position attribuée cependant à certaines personnalités européennes haut placées. En effet, l’Ecosse rencontre toutes les conditions requises par les « Critères de Copenhague » et serait évidemment capable de respecter l’ensemble de l’acquis communautaire puisqu’elle y est déjà soumise en tant que partie intégrante du Royaume-Uni. Prétendre que certains Etats Membres, tels que l’Espagne ou la Belgique, pourraient s’y opposer pour éviter d’encourager leurs propres partis séparatistes ou que l’Angleterre le ferait par esprit de vengeance, serait accepter la primauté de la lettre du traité (qui prévoit l’unanimité pour tout élargissement) sur l’esprit et les valeurs qui sont au cœur même de l’existence de l’Union. Dans un tel cas de figure, sa désintégration ne serait plus qu’une question de temps.

Par contre si le « Non » l’emporte, l’avenir de l’Ecosse demeurerait lié à celui du Royaume-Uni. Dans ce cas, si le référendum promis par David Cameron en 2017 débouchait sur la sortie de la Grande-Bretagne, l’Ecosse se trouverait automatiquement exclue  de l’Union.

Il est donc impératif, quelles que soient les promesses de plus grande autonomie pour l’Ecosse offertes par les partis politiques anglais, que les écossais reçoivent l’assurance qu’en cas d’un vote sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, le décompte des voix se fasse séparément pour l’Ecosse. Au cas où il y aurait une majorité écossaise pour demeurer au sein de l’Union, il incomberait à la seule Angleterre de négocier sa future relation avec l’Union, laissant l’Ecosse, en tant qu’Etat indépendant, comme successeur légitime du Royaume-Uni au sein de l’Union (tout comme l’Angleterre hérite des droits du Royaume-Uni en cas de sécession de l’Ecosse).

En affirmant sans ambiguïté que les électeurs écossais auront une seconde opportunité – quoiqu’indirecte – de voter sur l’indépendance dans le cadre d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE, il se pourrait que nombre d’électeurs choisissent de demeurer pour l’instant au sein de la Grande-Bretagne, étant rassurés sur le fait que leur citoyenneté européenne n’est pas remise en question. Ce serait, en effet une manœuvre inacceptable si, le « Non » ayant prévalu jeudi prochain, l’Angleterre se trouvait dans la position d’imposer à l’Ecosse une sortie de l’Union après 2017, obtenue par son poids électoral très nettement dominant dans le décompte global.

Il n’est pas trop tard de communiquer à l’électorat écossais de manière transparente sur cet aspect vital du vote ; la stature morale de l’ensemble de la classe politique s’en trouverait considérablement renforcée.