L’uberisation est actuellement la troisième voie des affaires.

C’est la réponse des diplômés et des débrouillards au chômage qui, au lieu de se plaindre et réclamer du travail, en crée eux-mêmes, au travers le statut autoentrepreneur ou pas. Ils génèrent une source de revenu, un petit business, ils créent une entreprise, et parfois sans le savoir.

C’est aussi la réponse des entrepreneurs 2.0 qui ont besoin de motivation, de créativité, de disponibilité, mais qui n’ont pas de fonds. Ils ne veulent pas des employés venus pour s’installer, mais des têtes efficaces, venues apprendre, monter en compétence sur le terrain, « se faire la main » pour partir aussi vite de leur côté et créer leur propre business.

C’est la réponse de quelques patrons qui ont besoin d’une aide experte, ponctuelle, sans entrer dans l’administratif, la paperasse, les déclarations,… sans être relancés, rappelés, harcelés. Ils veulent négocier, payer, avoir et basta.

C’est enfin la réponse de beaucoup de contribuables qui ont vu un moyen de gagner sans trop déclarer, jouant sur les flous fiscaux, sur la marge entre le service de gré à gré et le service professionnel.

Dans un système économique qui semblait rouillé autour de quelques insiders ne laissant aux outsiders que des postes précaires, ces derniers les ont transformés en service uberisé, et ont trouvé la troisième voie pour gagner de l’argent, sans trop de complications de préparation, en contrepartie d’une précarisation de leur situation.

Un œil social verrait immédiatement les risques liés à l’uberisation. Seuls une poignée des plus performants, des plus adaptables, des plus futés s’en sortiront honorablement. Les autres seront moins demandés, auront l’idée trop tard, ou seront en attente du mauvais côté de la route. Au final, les donneurs d’ordre (ceux qui sont appelés les « patrons ») resteront les seuls gagnant de l’uberisation.

Et pourtant non, il y a un retour du bâton de l’uberisation.

Avec l’uberisation, l’on voit apparaître un employé qui est ouvertement peu fidèle et donc pas loyal. Sans honte, sans gène, il sait n’être membre d’une entreprise que temporellement. Vos concurrents d’aujourd’hui sont, pour lui, ses employeurs de demain. Et cela change son investissement moral.

De plus il a souvent d’autres sources de revenus (location d’appart,…) et il sait qu’il peut facilement en avoir encore d’autres (VTC,…) ; ce qui le rend économiquement beaucoup moins dépendant de la société pour laquelle il est embauché.

Certains patrons veulent la généralisation de l’uberisation pour pouvoir disposer à la demande de ressources, mais il y a une dure conséquence : ces ressources ne seront plus pleines et entières, elles seront de plus en plus coûteuses, et elles devront être partagées.

Dans la situation sociale difficile qui déclenche à période régulière des blocages économiques en France, alors que les syndicats constatent que sans grève, la voix des employés n’est pas entendue, l’uberisation répond à ce désespoir de ne jamais être écouté. Lorsque ça ne va pas avec son employeur, la génération Y ne grève plus, elle change de patron, et ce, plus vite qu’une délocalisation d’usine.

Avec l’uberisation, nous arriverons à des entreprises avec des salariés infidèles, mobiles, indépendants des patrons. D’ailleurs, nous devrions cesser de les nommer ainsi, car ils n’auront bientôt plus aucune autorité patronale.