Le Vernimmen, c’est l’ami du dirigeant finance-gestion en entreprise. Tous les ans, quand les hirondelles s’apprêtent à partir et qu’on commence à se sentir dégarni, il est là ! Le Blog le signale toujours et de bonne volonté : ça coûte 62 € l’an, et pour cette somme, une direction financière découvre ou – le plus souvent heureusement – se tient à jour des principes, des détails et des dispositifs comptables, fiscaux et boursiers de la finance d’entreprise, à la fois par le livre et désormais par un accès internet de plus en plus commode, avec des applis iPhone et Android. Et il faut voir la version iPad !

 

La livraison de cette année comporte des mises à jour ou des ajouts importants : sur les actifs de trésorerie, sur la comptabilisation des instruments financiers de couverture, sur les restructurations financières d’entreprises et sur les facteurs de succès d’une introduction en Bourse.

 

Et bien sûr les graphiques, les données, les points de droit fiscaux et boursiers, etc., sont mis à  jour à date. On imagine le travail de bénédictin que cela représente. Les professeurs de finance de par les universités françaises s’en régalent. Bravo aux auteurs qui entretiennent ce manuel, Pascal Quiry et Yann Le Fur, par ailleurs chroniqueurs occasionnels de ce Blog.

 

À signaler, un chapitre entièrement nouveau et tout à fait passionnant consacré à la gestion de la dette. Cela appelle un petit commentaire : dans des temps pas si lointains, la dette était l’instrument négligé des manuels les plus courants de finance d’entreprise. Tout au plus discutait-on du risque du taux, c’est-à-dire du gain ou de la perte sur une obligation quand les taux d’intérêt se mettent à bouger. On mentionnait pour la bonne cause, et en passant, le risque de crédit et le risque de liquidité, mais sans guère développer. Un exemple : dans la méthode d’évaluation par les flux de trésorerie actualisés, on considérait nul le risque de la dette dans les formules de calcul du coût du capital ! Allez dire cela aux ministres des Finances des pays du Garlic Belt (i.e. du Sud de la zone euro).

 

Une des bénéfices collatéraux de la crise, est de nous obliger à regarder les questions d’endettement bien en face. Le chapitre 44 du Vernimmen 2013 le fait très bien.

 

Notamment, il insiste sur les différences, balayées autrefois comme secondaires, entre la dette bancaire et la dette de marché ; sur le rôle des suretés réelles et autres garanties sur la dette ; sur l’importance du rang d’accès aux actifs, subordonné ou premier, aux actifs de l’entreprise en cas de pépin ; sur les stratégies de jeu autour du taux d’intérêt de référence, fixe ou variable, à court ou à long terme… Le rôle des convenants est essentiel et plein de subtilité (les auteurs utilisent l’anglicisme « covenant », contre leur principe d’être toujours sourcilleux dans l’emploi de la langue, alors qu’il s’agit d’un mot français, venu pour la petite histoire du droit canon, et qui doit vivre sa vie en français. C’est l’occasion de signaler le rôle de quasi-service public que remplit le Vernimmen : même si la finance est une discipline internationale, il est vital qu’elle reste maniable et utilisable dans chacune des langues, dont la nôtre.).

 

Un petit regret ou plutôt un appel à travail pour nos deux auteurs : il manque de plus en plus de développements sur les entreprises du secteur financier au sens large (banques, assurances, fonds de gestion, intermédiaires financiers). D’abord parce qu’avec la tertiarisation de l’économie française, elles occupent une part de plus en plus importante de l’économie. Un nombre croissant de directeurs financiers de la DFCG en proviennent. Ensuite, parce que la crise financière les met sur la sellette. Enfin et surtout, parce qu’au final, ce sont des entreprises pas si différentes que ça des entreprises non financières. Trop sûres d’elles, elles l’ont oublié. Au nom de quel principe financier pouvaient-elles s’endetter jusqu’à la glotte, avec des leviers allant jusqu’à 97 % (3 de fonds propres pour couvrir 97 d’actifs), y compris nos chères banques françaises ? Leur levier a crû de plus de 10 points en 20 ans : leurs clients étaient-ils plus malheureux autrefois ? Elles hurlent à la mort quand le régulateur leur impose un pas de petit poucet avec Bâle 3, et elles convoquent pour l’occasion ces chères PME, toujours bien utiles pour le lobbying des gros, et qui selon elles devront payer le crédit plus cher. Mais c’est une idiotie, totalement infondée financièrement (qu’elles lisent le Vernimmen !), ou bien l’affirmation de leur pouvoir de marché qui devrait faire sourciller le régulateur de la concurrence. Pourquoi donc Apple prospère-t-il, et ses clients avec, malgré ses  0 % de dette au bilan ?

 

Bref, il faudrait sinon des chapitres sur les entreprises non financières, du moins des apartés et commentaires.

 

En tout cas, passez commande.