immeubleLe projet de loi Duflot sur le logement comporte une mesure phare, l’encadrement des loyers. Les modalités précises se lisent ici dans la présentation du projet à l’Assemblée nationale.

Pour résumer, il est mis en place, dans les zones tendues et dotées d’un observatoire des loyers, trois indicateurs : – un loyer médian de référence ; – un loyer médian majoré (pas au-delà de 20%) ; et – un loyer médian minoré. Sur ces territoires, le loyer de base pour les nouvelles locations ou les relocations ne pourra excéder le loyer majoré correspondant aux caractéristiques du logement.

Le premier aspect est positif : on met en place des observatoires des loyers et donc une mesure des prix plus fine que ce que produisent les chambres syndicales des notaires. Un marché ne peut fonctionner sans bonne information sur le prix. À défaut, il joue mal son rôle premier, celui de signal permettant d’ajuster l’offre et la demande.

Mais le projet de loi Duflot n’en reste pas à une information du marché. Le prix observé en moyenne devient normatif et sert à encadrer les loyers.

 

Encadrement n’est pas blocage des loyers

La mesure a des caractéristiques incitatives un peu meilleures qu’un strict blocage des loyers. La célèbre loi de 1948 avait pour but généreux de stimuler la production de nouveaux logements dès lors que seuls les logements construits avant 1948 subissaient le blocage. L’effet pervers est venu très vite : les locataires de tels logements eurent un fort intérêt à ne pas quitter leur logement et les propriétaires à ne pas les rénover. Plutôt que d’être fluidifiée, l’offre immobilière s’est coagulée et le parc de logements anciens, de très loin toujours l’écrasante majorité du stock existant, s’est fortement dégradé.

Dans le projet Duflot, ce sont les loyers dits « excessifs » qui sont ramenés vers leur niveau médian. Excessif peut vouloir dire qu’il y a un rapport de force inéquitable entre un propriétaire et un locataire, et la loi peut être jugée le bon instrument pour y pallier. Mais pour les grands logements, les plus coûteux, ce sont a priori les locataires les plus aisés qui y postulent. Doit-on spécialement les protéger ?

Dès qu’il y a négociation libre entre deux parties de même poids, la mesure pousse le propriétaire à ne pas offrir des prestations supplémentaires, mal prises en compte par l’indicateur, puisqu’elles feront remonter le prix et ouvriront la porte à des contestations .

De même, rien n’est dit sur le loyer « excessivement bas », c’est-à-dire en dessous du loyer médian minoré. Le propriétaire n’est pas en droit de les revaloriser en cas de renouvellement de bail. La mesure est donc dissymétrique et ne joue pas qu’à mieux informer le marché. Elle est bien là pour renforcer la main du locataire.

Il reste qu’à interdire les locations au-dessus du prix de référence, on prive le marché d’une information sur l’état de l’offre et de la demande. Imaginons les loyers des chambres d’étudiants ramenées à un prix unique par le mécanisme d’encadrement. Qui pourra dire sinon en observant les files d’attente s’il y a pénurie de logements ? Comment inciter les propriétaires à en mettre sur le marché ou les promoteurs à en construire, pour profiter des prix « excessifs » ?

Enfin, il y a équilibre entre le prix de l’immobilier et le niveau du loyer, ce dernier n’étant que le coût d’usage du logement. Pour être cohérent, le gouvernement devrait non seulement encadrer le niveau des loyers, mais interdire les cessions de biens immobiliers au-dessus d’un niveau médian de référence. Si le prix de l’immobilier s’accroît librement mais que les loyers restent dans le tunnel assigné, il y a risque d’attrition du parc de logements de qualité mis en location. Cela pousse vers le bas l’offre locative, en qualité et aussi en quantité.

 

La politique du logement doit agir sur l’offre

On le sait à présent : la caractéristique majeure du marché immobilier en France est celle d’une offre particulièrement inélastique, où la hausse du prix du logement ne crée que très difficilement une hausse de la production de logements neufs.

Une offre inélastique rend vaines les politiques d’aide budgétaire au logement par des subventions ciblées. C’est le cas tant des aides pour le locataire que pour le propriétaire, pour la demande que pour l’offre. Aidez les locataires (par exemple les étudiants) à se loger par une allocation logement, et vous retrouvez le gros de l’aide dans les poches du propriétaire qui peut monter ses loyers. Aidez les propriétaires à acquérir leur résidence principale (la célèbre loi TEPA, mais aussi les niches fiscales à répétition que sont les lois Scellier, Besson, Périssol, Duflot, etc., au bénéfice ou non de la mise en location), et là aussi les mêmes effets.

Une offre inélastique oblige à gérer par rationnement. En France, le marché est segmenté en trois compartiments : un marché libre pour les logements de qualité, mais réservés aux ménages aisés sachant le niveau élevé du prix ; le logement social, subventionné par rapport aux prix de marché et géré par file d’attente ; et à nouveau un marché libre (à loyers souvent léonins) pour les populations précaires qui ne disposent pas des connections ou de la stabilité leur permettant l’accès au logement social.

On ne peut s’en sortir ainsi. Assainir le marché immobilier ne signifie pas attaquer la « spéculation ». Cela consiste à déverrouiller l’offre, et pour cela libérer de la surface foncière dans et autour des villes que la vie économique rend plus attractives, dont en premier lieu Paris. Ce n’est pas la philosophie première du projet de loi Duflot, même si elle contient quelques mesures d’accroissement de la densité du bâti.