Quel est le rôle des acteurs entourant l’entreprise, qu’on appelle aussi parties prenantes ou stakeholders (on retiendra, ici, le mot de partenaire) ? C’est ce que nous allons voir dans ce 3e et dernier billet sur la performance. Ils aident, par la position qu’ils occupent dans ou autour de l’entreprise, à ce que celle-ci réalise ses performances ; en retour, ils bénéficient de la redistribution de la valeur créée par cette dernière.

 

Les études sur le sujet se limitent souvent à ce dernier aspect, à savoir la rétribution des partenaires, sans regarder le premier, à savoir leur contribution à l’entreprise et le partage entre eux de la valeur créée.

 

Ces contributions s’expriment sous diverses formes : financières, matérielles et immatérielles. La rétribution de ces apports diffère selon les partenaires : part du résultat, plus-value financière, rémunération, avantage social… Le tableau qui suit est un essai de description.

 

Les contributions et les rétributions des partenaires
Parties prenantes Principales contributions ou ressources apportées Principales rétributions attendues ou besoins exprimés Porte-parole ou traducteurs
Investisseurs
(actionnaires, épargnants)
Capitaux
Expérience (pour les actionnaires majoritaires)
Dividendes
Plus-value
Pouvoir
Régulateurs boursiers, associations d’actionnaires, agences de notation
Salariés Capacités, compétences,
Connaissances,
Fiabilité
Disponibilité
Salaires, avantages sociaux
Bonnes conditions de travail
Employabilité
Développement personnel
Partenaires sociaux
Clients et distributeurs Pouvoir d‘achat
Fidélité
Prescriptions
Aide à l’éco-conception des produits
Qualité-prix des produits
Respect des lois et des contrats
Bonne image de marque
Associations de consommateurs (BtoC), groupements professionnels (BtoC)
Fournisseurs et partenaires Capacités, compétences,
Connaissances,
Fiabilité
Disponibilité
Marge suffisante
Respect des lois et des contrats
Bonne image de marque
Groupements professionnels
Autres acteurs financiers (financeurs publics, banques, assureurs) Aides, crédits, garanties, conseils Marge suffisante
Respect des lois et des contrats
Bonne image de marque
Groupements professionnels
Institutions publiques (internationales et nationales) Règles du jeu (fixation et contrôle)
Services publics
Respect des lois et des contrats
Impôts
Milieux politiques, administrations, communauté scientifique
Collectivités et associations locales Services de proximité Développement local (emplois et impôts)
Actions philanthropiques (sociales, sportives et culturelles)
Municipalités, comités de défense
Grand public et générations futures (citoyens, consommateurs, contribuables…) Incitations aux « bonnes pratiques » Respect des droits de l’homme et contribution au développement durable Milieux politiques,
Communauté scientifique, médias, think tanks

 

 

Il est du rôle de la direction générale d’une entreprise de recenser ses partenaires, leurs apports et leurs attentes. Pour ce faire, il est commode de partir d’une liste type telle que proposée dans le Cahier n°5 de l’Académie des sciences comptables et financières, et dans le cahier DFCG sur la RSE, intitulé « Responsabilité de la PME et reporting sociétal »1. Il faut bien sûr l’adapter aux particularités de l’entreprise et surtout mobiliser ses différents services afin de diagnostiquer les ressources et les besoins des partenaires, par exemple, la DRH pour les salariés ou la direction des achats pour les fournisseurs et sous-traitants.

 

 

Quelle est la bonne répartition de la valeur créée ?

 

C’est peut-être là le point le plus délicat. Certains modèles théoriques ont été proposés, mais sans vraiment convaincre à ce jour. Par exemple, selon Brandenburger et Stuart (Value based Business Strategy, Journal of Economics and Management Strategy, vol 24,2), l’entreprise crée globalement de la « valeur partenariale » (stakeholder value) en provenance de l’ensemble de ses partenaires, dont ses actionnaires. Pour un partenaire donné, ils entendent par valeur partenariale la marge faite par le partenaire sur son coût marginal dans ses transactions économiques avec l’entreprise. La valeur partenariale de l’actionnaire, ou valeur actionnariale, est « ce qui reste » après que l’ensemble des partenaires ait été défrayé. Ainsi, dans le cas de la distribution laitière française, jusqu’à la récente augmentation du prix du lait, la marge partenariale du producteur était nulle ou négative, tandis que celle des grandes surfaces était maximale, car elle équivalait à l’ensemble de la valeur ajoutée de la filière laitière. La répartition de la valeur partenariale sera jugée « équitable » si chaque partenaire en reçoit une part proportionnelle à son apport.

 

Si ce calcul est à peu près simple pour des partenaires avec lesquels l’entreprise entretient des relations caractérisées par une prestation identifiée et un prix contractualisé, on voit qu’il est tout à fait subjectif pour des prestations non marchandes. La notion de répartition équitable est elle-même sujette à caution, au-delà des questions de mesure. Elle ne prend pas en compte le risque pris par le partenaire, en particulier.

 

L’autre approche du partage de la valeur partenariale cherche moins à mesurer. Elle passe par la négociation d’arrangements entre l’entreprise et ses partenaires. Cette démarche doit s’attacher à résoudre les conflits, actifs ou latents, qui pourraient opposer l’entreprise à ses partenaires et rechercher librement le bon équilibre avec ses positions et les leurs. L’accord final répondra en pratique à des « critères minimaux de satisfaction », fixés en fonction des enjeux de chacun. L’accord récent sur le prix de cession du lait aux grandes surfaces françaises a ainsi permis de satisfaire provisoirement (et a minima) les producteurs laitiers français.

 

Ce bref tour d’horizon des réflexions actuelles sur les performances de l’entreprise montre que si les leviers de performance sont mieux identifiés, leur mesure et a fortiori leur partage équitable n’a toujours pas trouvé de solution.

 

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Sur le même sujet sur le Blog :

L’entreprise en quête de performance (1/3)
L’entreprise en quête de performance (2/3)