Les différentes notions de performance déjà présentées dans le Blog (voir L’entreprise en quête de performances (1/3)) correspondent chacune à une vision particulière de la relation entre l’entreprise et la société.

 

La première attribue à la performance une fonction de  régulation socio-économique au service soit des actionnaires de l’entreprise (performance économique), soit de l’ensemble de ses parties prenantes (performance durable). Selon le cas, la valeur créée par l’entreprise est partagée entre les seuls investisseurs financiers ou entre toutes les parties prenantes.

 

La seconde approche assigne à la performance une fonction de  répartition des pouvoirs entre les différents acteurs de la société civile (entreprises, ménages, Etat), soit en concentrant le pouvoir entre les mains des actionnaires, soit en recherchant un partage du pouvoir entre toutes les parties prenantes de l’entreprise.

 

La troisième perspective (plus sociologique) attribue la performance à un  levier socioculturel assurant soit la prééminence de valeurs économiques, soit la construction d’un ensemble de valeurs partagées, de nature à la fois économique, sociale, environnementale et sociétale.

 

La quatrième représentation (plus psychologique) considère la performance comme une  construction sociocognitive, issu de la confrontation des perceptions de l’entreprise par ses promoteurs ou par ses principales parties prenantes.

 

Les dimensions socio-économique et sociopolitique se prêtent plutôt à des approches positivistes, fondées sur des analyses objectives et des observations empiriques. Les dimensions socioculturelle et sociocognitive se révèlent avant tout dans l’action ou bien sont perçues grâce aux témoignages des acteurs impliqués.

 

Cette globalisation de la notion de « performance » de l’entreprise est privilégiée dans les discours et les décisions des managers des entreprises. Elle est souvent préférée à celles de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE), de gouvernance partenariale et de développement durable, pour des raisons à la fois stratégiques, organisationnelles et tactiques :

  • Stratégiques : la performance soutenable permet de mesurer les effets à moyen et long terme des projets stratégiques de l’entreprise : construction de nouveaux avantages concurrentiels, reconfiguration de son organisation, développement de son image de marque…
  • Organisationnels : elle constitue un instrument stimulant de pilotage de l’entreprise socialement responsable, dans la mesure où elle donne lieu à la construction d’indicateurs et de standards (ou benchmarks) intégrables dans son rapport de gestion, ses tableaux de bord et ses différents supports de reporting.
  • Tactiques : la notion de performance demeure, quel que soit son champ d’application, plus proche de l’action que celle de responsabilité, de gouvernance ou de développement. La performance soutenable vient compléter les notions – généralement bien assimilées par les acteurs internes et externes de l’entreprise – de performance technique et de performance économique.

 

Les stratégies engagées par les entreprises visent à construire des sources d’avantages concurrentiels spécifiques et à actionner différents leviers de la performance. Ces leviers de la performance diffèrent selon le positionnement stratégique de l’entreprise. Carroll distingue quatre positionnements possibles pour les entreprises confrontées au défi du développement durable :

  • Le positionnement « réactif », orienté vers la création de valeur pour l’actionnaire, répond à la prescription de Milton Friedman selon laquelle l’entreprise n’est destinée qu’à servir les intérêts particuliers de ses actionnaires (en réalisant des profits) tandis que l’Etat a pour mission de défendre l’intérêt général. Cette orientation actionnariale implique la mise en œuvre d’un management paradoxal, caractérisé selon Brunsson (1995)2 par la recherche d’opportunités d’affaires (pouvant relever de la « markéthique » ou du « greenwashing ») et par des pratiques (de délocalisation, d’externalisation, de contournement ou de détournement des règles et des normes, de lobbying…) souvent différentes des discours officiels des dirigeants (généralement favorables à la RSE).
  • Le positionnement « défensif », également axé sur la création de valeur actionnariale, vise à adapter a minima les équipements, les produits et les pratiques de l’entreprise, aux lois, règlements et normes en matière de développement durable, afin de réduire les externalités négatives de ses activités, et ainsi, de limiter les risques industriels, commerciaux, sociaux, financiers, fiscaux, corporate (risque de réputation et d’image) encourus par l’entreprise.
  • Le positionnement « progressiste », orienté vers une création de valeur à la fois économique, sociale et/ou environnementale, a pour principal objectif de limiter – par une attitude de « suiveur » – les coûts engendrés par « l’innovation durable » et l’adaptation de ses ressources (humaines et capitalistiques) aux nouvelles normes. Cette stratégie suppose souvent de s’aligner sur ses concurrents en matière de RSE.
  • Le positionnement « offensif » ou « leader », destiné à créer de la valeur durable ou soutenable, implique la mise en œuvre de stratégies pionnières d’éco-innovation, de « marketing vert », de distribution responsable, de commerce équitable, de communication transparente, et de changement organisationnel et culturel orienté vers le développement humain.

 

Le volet social et sociétal du développement durable porte sur les relations entre l’entreprise et son environnement humain interne et externe. Les priorités entre les actions à engager sont généralement définies sur la base des critères suivants (enquête DFCG coordonnée par Pluchart, 2009) :

  • Les initiatives prioritaires s’inscrivent dans le cadre de la stratégie de gestion des ressources humaines de l’entreprise Elles répondent aux obligations du code du travail, aux prescriptions de la convention collective applicable à l’entreprise, aux exigences de certains de ses contrats de commande… Elles sont soumises, selon le cas, au vote ou à l’avis des partenaires sociaux. Elles visent à améliorer la santé et la sécurité des salariés, par des actions préventives et curatives.
  • Les mesures en faveur de l’amélioration de la vie dans l’entreprise sont également importantes : elles contribuent à lutter contre les discriminations, à mieux gérer la diversité dans le cadre des recrutements, licenciements, promotions, mutations et rétributions, ainsi qu’à combattre toutes les formes de harcèlement et de souffrance au travail.
  • Ces mesures contribuent également à la motivation des salariés et donc à leur fidélisation, leur assiduité au travail, leur productivité et leur moindre résistance au changement. Elles sont de natures à la fois relationnelles (modes stimulants de leadership et de management…) et matérielles (aménagement des postes et des conditions de travail, actions sociales…).
  • Les initiatives en faveur du commerce équitable et des achats responsables sont de plus en plus également importantes, dans la mesure où l’emploi de travailleurs dans des conditions contraires aux droits de l’Homme, ou des actes de corruption chez les fournisseurs peuvent avoir un impact négatif sur l’image de l’entreprise. Le recours au secteur protégé (ESAT) a au contraire un impact médiatique positif.
  • Les projets sociétaux en faveur de l’engagement citoyen de l’entreprise et de ses salariés, ont un impact positif sur son image de marque : les actions philanthropiques (ou mécénat) en faveur des initiatives locales (clubs sportifs, associations caritatives, manifestations socioculturelles…) sont généralement assorties d’actions locales de communication événementielle.

Les actions environnementales prioritaires doivent viser à respecter les lois et les normes, à limiter les risques de pollution, à construire de nouveaux avantages concurrentiels par économie de ressources ou par différenciation de l’offre, à stimuler l’innovation et à promouvoir une culture plus stimulante dans l’entreprise. Les priorités diffèrent selon les métiers de l’entreprise, par exemple :

  • Dans l’automobile, respecter le seuil de 130 g/km de CO2 à l’horizon 2012 et 95 g de CO2 à l’horizon 2020, exige d’étudier la consommation des moteurs, mais aussi celle des équipements périphériques utilisateurs d’électricité (entraînant une surcharge sur la batterie et alternateur, courroies de transmissions), ainsi que la conception de tous les organes du véhicule afin d’en réduire le poids ;
  • Dans l’informatique, l’éco-conception vise l’utilisation de composants moins consommateurs d’électricité, de machines moins encombrantes et de locaux moins spacieux à climatiser ;
  • Dans le bâtiment, une meilleure gestion des ressources passe par un suivi des consommations, une régulation des plages horaires d’utilisation, le respect des normes HQE, le développement d’énergies alternatives (solaire, éolien pour les outils de communication…), la limitation des matériaux non recyclables (moquettes), adopter un recyclage des produits (carton, papier, encre, eau), l’utilisation de composants ou de services moins consommateurs de carbone (béton…) ;
  • Dans la gestion courante de l’entreprise, le « zéro papier » implique le développement de la GED (gestion électronique des documents) ; la limitation des transports et du stockage de matériaux et des produits, la gestion des déchets et des rebus… nécessitent des réingénieries de processus…

 

1. A Three Dimensional Conceptual Model of Corporate Social Performance, The Academy of Management Review, 4, (1979), 497-505.
2. Ideas and actions: Justification and hypocrisy as alternatives to control.

 

Sur le même sujet sur le Blog :
L’entreprise en quête de performances (1/3)
L’entreprise en quête de performances (3/3)