Dans le contexte de crise de la dette au sein de la zone euro et des tensions sur les refinancements des banques, les banques centrales européennes, américaines et anglaises ont eu beau indiquer qu’elles fourniraient à leurs systèmes bancaires et en quantité illimitée les liquidités nécessaires à leur bon fonctionnement, cela ne résout pas l’équation de la solvabilité des institutions financières et de leur conformité réglementaire.

Cette semaine la Société générale et BNPP ont annoncé qu’elles allaient poursuivre la réduction de la taille de leurs bilans ; mouvement amorcé depuis le printemps 2011 qui va s’accélérer si l’on en croit l’annonce de la banque aux étoiles qui va céder 10 % de ses actifs avant fin 2012 !

Avec un total de bilan à fin 2010 de 1 998 157 952 000 euros, cette réduction représente donc, pour la seule BNPP,  un montant de 200 milliards d’euros environ, et non pas un « faible » 70 milliards comme cela a été indiqué un peu rapidement  cette semaine ! À cela s’ajouteront 60 milliards de dollars cédés à court terme afin de rassurer les marchés sur sa liquidité en dollars.

La Société générale a aussi annoncé lundi 12 septembre toute une série de mesures visant à (a) renforcer ses fonds propres de quatre milliards d’euros d’ici 2013, et à procéder  notamment à des cessions d’actifs sans indiquer, toutefois  aucun montant cible. Le total de bilan de la SG à la fin de l’année 2010 étant de 1132,1 milliards d’euros, une réduction de 10 % se traduirait par une réduction des concours à l’économie  de 113 milliards d’euros.

Pour ces deux réseaux – attendons les déclarations des banques mutualistes –, la réduction combinée des concours à l’économie sera de 310 milliards environ (sans compter la réduction de 60 milliards de dollars de BNPP), alors que le PIB français en 2011 sera légèrement inférieur à 2 000 milliards d’euros.

D’aucun  avancera que les « contraintes » ou exigences réglementaires sont excessives et causes de tout, mais en l’espèce, on ne peut en vouloir aux régulateurs de s’assurer de la solidité du secteur bancaire. Néanmoins, force est de constater que, dans une période difficile (provisions pour hausse du coût du risque et pertes de crédit et de marchés imputées sur les capitaux propres), les institutions financières doivent augmenter leur capital à engagements constants (ce qu’elles ont entrepris de faire depuis le début de l’année)… ou réduire leurs engagements à capital constant (ce qu’elles viennent d’annoncer).

Les banques françaises se trouvent clairement dans le second cas de figure. Certes, il est permis de considérer que ces réductions d’actifs seront réalisées principalement en dehors de France… mais on peut aussi légitimement envisager que les banques étrangères en France se livreront à un mouvement exactement inverse. Et le fait que cette réduction de bilan bancaire se fera par cession de créances – il n’y aura donc pas nécessairement de baisse des encours de crédit à très court terme – ne change rien au raisonnement : les crédits ne seront pas renouvelés.

Pour éviter la spirale déflationniste qui guette, il est difficile de recourir de nouveau à la  « martingale » qui a conduit à transférer les dettes bancaires vers les États et à relancer les économies car il a fallu constater que :

  • Les dettes publiques doivent être réduites ;
  • le fameux « levier keynésien » n’en est plus un : 1 dollar de relance entraîne une croissance de 1 euro du PIB seulement ;
  • les banques européennes pourraient devenir des proies pour certains pays émergents.

On peut avancer deux listes de « remèdes » à moyen et court termes.

À moyen terme :

  • Accroître les réserves des banques en procédant à une pentification radicale de la courbe des taux  mesure qui n’aura un effet qu’à moyen terme) ;
  • fournir des liquidités au marché sans les reprendre d’une autre main (ce qui pourrait avoir des conséquences inflationnistes) ;
  • tuer les anticipations déflationnistes, voire prendre le risque – la solution ? – d’un retour de l’inflation (chemin qu’ont décidé d’emprunter les États-Unis) – lire le post de Thomas Bouvet en février 2010 Vive l’inflation.

À court terme :

  • Suspendre les contraintes règlementaires (ce qui reviendrait à casser le thermomètre utilisé pour un patient souffrant d’une malaria sévère !) ;
  • réfléchir comme aux États-Unis  (règle Volcker) et au Royaume-Uni (rapport Vickers) sur une séparation des activités commerciales et de marchés ;
  • renforcer de façon étatique les fonds propres bancaires afin de 1) piloter le mouvement – nécessaire – de désendettement des agents économiques privés et publics ; 2) et d’utiliser le levier de Bâle 2 (1 euro de fonds propres supplémentaire autorise 15 euros de prêts).

Alors que la capitalisation des banques françaises est « massacrée » – au 12 septembre, la capitalisation de la SG représentait 25 % de ses fonds propres ! – leurs actionnaires ne voudront pas être dilués à vil prix. Sauf à envisager une nationalisation pure et simple – qui, le cas échéant, prendrait du temps – il est donc temps de réactiver l’initiative française de 2008 : la Société de financement de l’économie française (SFEF) et la Société des participations publiques de l’État (SPPE), qui ne sont qu’en sommeil, dont on rappelle les objectifs : la mission de la SFEF est de lever des fonds sur les marchés internationaux avec la garantie de l’État et d’utiliser ces ressources pour octroyer des prêts aux établissements bancaires. L’objectif de la SPPE est d’apporter des fonds propres supplémentaires aux banques afin de s’assurer qu’elles ne limiteront pas leurs activités de crédit pour économiser leurs fonds propres (en savoir plus).

Le plan « français » de 2008 doit être envisagé à un échelon européen, avec l’accord qui convient de la part de la Commission européenne.

Il s’agirait d’un plan B – technique – d’une durée limitée, car le seul plan A –politique– qui vaille reste celui d’un renforcement institutionnel de l’Europe. Faute de quoi, un appauvrissement généralisé de toute l’Europe sera au rendez-vous. Rapidement et Sans contrôle. Mais, il faudrait beaucoup de pédagogie et une réelle volonté politique. Il semble que cette vertu ne soit pas présente avec une force égale au sein des gouvernements européens.