On entend sans cesse dire que « les marchés sont inquiets », ou mécontents, ou qu’ils « sanctionnent » tel ou tel gouvernement… Alors nous avons tendance à oublier que « les marchés » ne sont pas des êtres supérieurs mais seulement des banquiers qui cherchent à gagner de l’argent en spéculant et en manipulant autant que possible les cours.

Nous l’oublions, mais de temps en temps une belle histoire vient nous le rappeler, comme cette affaire Barclays qui couvait depuis longtemps et qui a éclaté il y a quelques mois : des banquiers de la banque anglaise Barclays ont pendant au moins 5 ans manipulé le plus important marché de la planète, celui du Libor (« le » marché des taux d’intérêt). Ils l’ont fait avec 30 autres banques.

Cette belle histoire nous rappelle au moins trois choses.
Premier rappel : la manipulation est sur tous les marchés. Les banquiers qui affirment qu’une réglementation plus dure est inutile nous expliquent que les « grands marchés » fonctionnent bien, qu’ils sont tellement grands qu’ils ne sont pas manipulables. Mais il n’y a pas de plus grand marché que le Libor !

Deuxième rappel : la manipulation est considérée comme normale. Les autorités ont publié les mails échangés ouvertement entre les traders, montrant comment tout cela se passait à la bonne franquette : des mails comme « toujours content de donner un coup de main » (always happy to help) ou comme « c’est fait, mon grand » (done for you, big boy).

Troisième rappel : les autorités censées contrôler les banques sont d’abord là pour protéger les banques. Si cette affaire éclate, c’est peut-être que la dénonciation n’est pas arrivée aux autorités de contrôle anglaise, mais d’une agence américaine qui n’est pas directement chargée des banques. Et on se demande si la Banque d’Angleterre n’était pas au courant et plutôt d’accord, au nom de la protection des banques (certaines manipulations ont servi à gagner de l’argent, d’autres à donner une image meilleure de la banque).