Un récent article publié dans « les Échos » par le président français d’un des 4 grands réseaux d’audit faisait état de l’impuissance de sa structure « devant l’imprévisible », tout en insistant sur la couverture mondiale de ces grands réseaux (capables d’accompagner leurs clients sur toute la planète) et en rappelant les « 5 millions d’heures de formation dispensées à des professionnels de haut niveau »1.

Voici quelques remarques formulées en réaction à cet article :

  1. Personne n’a jamais songé à dire que les grands réseaux pouvaient parer à «  l’imprévisible ». Reste à savoir ce que l’on entend par là, et si les grands scandales financiers constatés depuis 2001 (sans avertissement préalable des auditeurs et des agences de notation) entrent dans cette catégorie.
  2. Il est évident qu’un des points forts des grands réseaux est leur couverture mondiale, sans préjuger de la capacité de l’auditeur local de l’Antartique2 de comprendre toutes les subtilités du référentiel de consolidation.
  3. Toutefois, l’avantage concurrentiel de cette couverture mondiale semble bien diminué par la pression constante sur les honoraires exercée par les clients eux-mêmes (est-ce une cause ou conséquence du point ci-après ? Ou ci-avant ?), ce qui aboutit à une complicité qui ne dit pas son nom entre le C.A.C. et son client : moins de budget →Moins de questions→ Signature obtenue plus facilement « sans histoires, ni réserves » →Mandat renouvelé.
  4. Les jeunes recrues de ces grands réseaux, naguère quasiment tous issus des quatre ou cinq plus grandes « business schools » françaises, ne montrent pas toujours les meilleures aptitudes au travail de base de l’auditeur, surtout quand il s’agit de comptabilité, et que la filière « audit » par rapport à la filière « conseil » peine à recruter. D’ailleurs, la politique de recrutement commence à aborder un virage stratégique, l’un d’entre eux ayant décidé d’embaucher des BTS, et un autre de prendre des contrats en alternance. Toute une époque qui prend fin, sous la pression de la clientèle qui s’avère prête à payer pour un vrai rapport qualité/prix, pas seulement une signature prestigieuse.
  5. Enfin, il serait également plus que temps d’organiser un audit de société en fonction des éléments du business qui orientent la politique de limitation des risques, plutôt que de subir des juniors pratiquant le « box ticking » à répétition.
  6. Une des pistes possibles à l’amélioration de la qualité de l’audit pourrait se trouver dans le renforcement de la responsabilité civile et pénale des membres du comité d’audit qui aurait un budget et des moyens propres. Il est d’ailleurs probable que lors d’un prochain scandale comptable non détecté par les C.A.C., l’activisme actionnarial – s’appuyant sur la 8° Directive européenne qui prévoit la présence d’au moins un membre compétent en matière financière au sein du comité d’audit (pour les sociétés cotées) – attaquera un ou plusieurs membres dudit comité d’audit pour incompétence et/ou négligence… Il faudrait également que les comités d’audit utilisent plus intelligemment les conseils des auditeurs pour mieux communiquer avec les investisseurs. Tout le monde y gagnerait : les investisseurs qui seraient mieux informés, les sociétés qui feraient un meilleur usage des honoraires qu’elles paient, et les auditeurs qui verraient leur rôle revalorisé, trouvant par là une voie médiane entre la certification apaisante et la bombe atomique des réserves.

Les échanges actuellement en cours dans les enceintes qui préparent les futures normes d’audit internationales3 sont sans appel : les investisseurs sont ceux qui règlent la note finale en cas de problème, et ils vont réclamer avec de plus en plus d’insistance une amélioration de la qualité de l’audit, soit en clair obtenir de l’auditeur plus d’informations pertinentes4. Ce qui leur permettrait d’anticiper (un peu plus) l’avenir, en soulignant qu’aucun des scandales évoqués plus haut n’avait été précédé d’un quelconque signal d’alerte, même modéré et prudent.

De belles batailles en perspective…

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1. Les Échos du 27 mai 2011 : Les « big four », une espèce non protégée, de Serge Villepelet (Président de PwC France)

2. Pays fictif et lointain de la société mère consolidante.

3. ISA : International Standards on Auditing : normes d’audit internationales, reprises en France pour la plupart et selon la même numérotation sous la forme de « Normes d’exercice professionnel » (NEP) à l’intention des commissaires aux comptes, et dont le caractère réglementaire résulte de leur publication au JO, après revue et simplification par le H3C (Haut conseil au commissariat aux comptes), institué par la Loi de Sécurité financière (LSF ) de 2003.

4. Le chef audit du PCAOB américain, qui participe depuis 2009 aux réunions du comité consultatif (CAG) de l’ IAASB (qui élabore les ISA) a déclaré le 21 Juin dernier, suite au récent communiqué du PCAOB sur le rapport de l’auditeur : « Le Commissaire aux Comptes se trouve dans une position unique pour fournir une information utile et pertinente, du fait de sa connaissance étendue de la société en tant que tierce partie indépendante. »

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