La normalisation comptable a toujours été un enjeu politique. Depuis de nombreux mois, les pouvoirs publics européens (dernièrement par la voix des ministres des Finances) exercent d’intenses pressions sur l’IASB pour peser sur l’évolution des normes comptables, notamment celles relatives aux instruments financiers.

 

L’intensité de ces pressions et les dangers qu’elles font courir ont été amplement dénoncés lors de la dernière réunion du groupe consultatif sur la crise financière (FCAG) constitué auprès du FASB et de l’IASB : danger pour la convergence des normes comptables, danger pour la qualité de l’information financière, danger pour la stabilité des marchés financiers.

 

Danger pour la convergence : les Américains ne veulent pas d’une convergence au prix de la baisse de qualité de l’information financière, disait le président du FASB lors de la réunion du FCAG. Aujourd’hui, pour ne prendre que cet exemple, le FASB ne partage pas les vues de l’Europe sur l’extension du champ de l’évaluation au coût amorti.

 

Danger pour la qualité de l’information financière : la juste valeur révèle la valeur courante, le coût amorti l’ignore. Cette base d’évaluation a sa place mais l’étendre indûment, c’est faire perdre de la transparence aux états financiers.

 

Danger pour la stabilité des marchés financiers : lorsque les investisseurs doutent de la qualité de l’information financière, lorsqu’ils subodorent que les états financiers masquent des pertes économiques, ils perdent confiance, sortent du marché ou refusent d’y revenir. Quel paradoxe si une extension inconsidérée du coût amorti, sensée stabiliser les marchés, aboutissait à l’effet contraire !

 

Danger enfin pour les entreprises européennes : que deviendra leur accès aux marchés des capitaux, si les normes comptables applicables en Europe sont vues comme insuffisamment rigoureuses par les investisseurs internationaux ?

 

Il était indispensable que la révision d’ensemble d’IAS 39 soit entreprise, le projet cadré et son calendrier resserré. Maintenant que l’un et l’autre sont acquis, il est grand temps que les travaux puissent se poursuivre en concertation avec le FASB, sur des bases conceptuelles saines et dans un esprit constructif.

 

Nicole RUEFF