Ça y est c’est la rentrée. Les espoirs et les interrogations des investisseurs qui ont alimenté la réduction de l’aversion au risque vont devoir trouver des réponses. Celles-ci conditionneront certainement l’évolution des marchés qui ont, au cours de l’été, bénéficié de cette réduction de l’aversion au risque alors que les données macroéconomiques restaient médiocres.

Les investisseurs ont vécu tout au long de l’été avec l’idée de l’irréversibilité de l’euro. Idée martelée par Angela Merkel et François Hollande d’abord, le 27 juin à l’Élysée, puis par Mario Draghi à Londres le 26 juillet et à nouveau la semaine dernière par la chancelière allemande au Canada.

L’irréversibilité est l’idée selon laquelle le cadre qui a été défini pour la zone euro ne sera pas remis en question et que la solution ne passera pas spontanément par la sortie d’un pays. Cela signifie aussi que les moyens nécessaires au maintien de cet état seront mis en œuvre.

Une première étape a été franchie la semaine dernière lors de la visite du premier ministre grec Antonis Samaras. Il rencontrera d’abord Jean-Claude Juncker, mercredi, puis Angela Merkel, vendredi, et enfin François Hollande, samedi. Son souhait est de pouvoir relâcher les contraintes qui pèsent sur l’économie grecque et de disposer ainsi de deux ans supplémentaires pour atteindre les objectifs fixés sur les finances publiques grecques.

Le gouvernement grec vient de boucler une nouvelle étape de son programme d’austérité avec un programme de 11,5 milliards d’euros d’économies. Ce programme, qui faisait parti du mémorandum ne sera probablement pas suffisant pour satisfaire aux objectifs fixés à la Grèce puisque la contraction de l’activité sera plus forte qu’attendue. Initialement elle devait être de -4,5 % mais elle sera probablement plus proche de -7 %.

Après 4 années de repli de l’activité et au regard de la baisse de l’emploi qui y est associée (-16,6 % depuis le point haut d’octobre 2008), le premier ministre grec vient demander la possibilité de ne pas durcir encore davantage les contraintes et de les étaler dans le temps. C’est cette question qui va être au cœur des discussions entre Samaras et les autres dirigeants européens. Ces derniers mettront-ils en place le principe d’irréversibilité ou souhaitent-ils faire une exception pour la Grèce ?

Le choix qui sera fait n’est pas économique mais principalement politique et c’est pour cela que la notion d’irréversibilité avancée par Angela Merkel et François Hollande est importante. C’est le choix de ce qui veut être et peut être fait pour Europe qui sera déterminant. Avant d’être un choix économique c’est d’abord un choix politique sur la cadre de l’Europe.

L’orientation qui sera prise cette semaine sera d’autant plus importante que la troïka doit rendre son rapport sur la Grèce fin septembre ou début octobre. Il serait évoqué dans celui-ci qu’en raison de la contraction plus forte qu’attendue de l’activité, les efforts à mettre en œuvre seraient plus importants de la part du gouvernement grec. Le montant de 11,5 Mds ne serait plus suffisant et serait porté à 14 Mds pour satisfaire aux exigences d’équilibre des finances publiques.

On perçoit bien l’enjeu. Si le choix politique de maintenir la Grèce dans la zone euro est validé, le rapport de la troïka ne sera plus aussi important. En revanche, si aucun choix n’est clairement fait, les efforts supplémentaires demandés aux grecs pourraient se traduire par une exaspération dont l’issue pourrait être la sortie de la Grèce. Les rencontres de Samaras avec Merkel et Hollande ont valeur de test.

L’autre point majeur de la semaine sera l’Espagne. Les enjeux sont d’une nature différente puisqu’il n’est pas envisagé, contrairement à la Grèce, de sortie de l’Espagne de la zone euro.

La problématique espagnole est double.

Elle a déjà prévu, cette semaine lors du conseil des ministres, de mettre en place les structures permettant d’accueillir l’aide européenne au secteur bancaire (renouveau du FROB qui gère les aides aux banques et création d’une bad banque pour y loger les actifs de mauvaise qualité). Cette première étape est essentielle pour stabiliser la situation de l’économie espagnole.

L’autre étape sera celle d’une possible demande d’aide de l’Espagne. Cette question est évoquée depuis quelques semaines. L’économie espagnole est confrontée à une récession et des taux d’intérêt très élevés. Une telle dynamique ne peut pas engendrer de situation stable et donner la possibilité d’un retour vers la croissance.

 

C’est pour l’économie espagnole que le plan proposé par Mario Draghi lors de sa conférence de presse du 2 août est pertinent. Seulement, on n’en connait pas encore clairement le contour. Le plan suppose un engagement de l’économie demanderesse sur ses finances publiques, sur des réformes structurelles et sur des institutions, une demande à l’EFSF puis, après validation, la BCE pourrait intervenir.

Cependant, on ne connaît pas les contraintes initiales que souhaite voir la BCE et l’on ne sait pas non plus sous quelle forme elle pourrait intervenir. Mario Draghi avait évoqué la volonté d’intervenir sur la partie courte de la courbe des taux de rendement afin de peser sur l’ensemble de la structure des taux d’intérêt. Dans le Spiegel ce week-end était évoquée la possibilité de voir la BCE intervenir au-delà d’un certain spread entre les taux espagnol et allemand. Cela reste à définir et pose la question du montant de l’intervention. Si elle est systématique, les montants engagés par la BCE pourraient être très importants. Des éclaircies sont nécessaires. Le plan d’action de la BCE pourrait être évoqué lors de la réunion de la BCE le 6 septembre et la question espagnole lors de l’EuroGroup des 14 et 15 septembre.

On doit imaginer qu’à la mi-septembre, la situation devra être éclaircie. Une réponse politique est attendue concernant la Grèce. Cet enjeu est majeur car l’on ne connait pas spontanément les effets qu’aurait une sortie de la Grèce de la zone euro et la construction européenne. Elle est politique aussi concernant la BCE car derrière le propos de Mario Draghi était perçue une dynamique plus fédérale des institutions européennes.

Philippe Waechter, directeur de la recherche économique, Natixis Asset Managment