Les Fables de la Finance – Qui fait des dettes s’enrichit

Notre bon La Fontaine, en des temps si lointains
Qu’ils pourraient bien passer pour antédiluviens
Avait conté le sort d’un riche financier,
Plus triste que celui d’un pauvre savetier :
Le second dormait comme un loir
Quand le premier broyait du noir.
L’un chantait comme un rossignol
Quand l’autre comptait son pactole.
Les temps ont bien changé, les lois de la Finance
Ont fini par donner aux savetiers leur chance.
Le descendant du financier
Se conduisit en héritier :
Il plaça son actif avec taux d’intérêt
Et ne songea jamais à contracter un prêt.
Il géra sa fortune avec tant de prudence
Qu’il renonça bien vite aux rêves d’opulence.
Le descendant du savetier
N’avait pas d’or dans son soulier :
Mesquin était l’apport, dérisoire la mise !
Mais il avait le goût de l’entreprise !
Vous n’allez pas vous endetter !
Protesta son voisin l’héritier,
Vous y perdrez, foi d’animal
L’intérêt et le capital !
Appelons-le François ou Bernard ou Martin,
Notre homme se gaussa des conseils du voisin.
Il acquit un actif rapportant à l’année
Dix pour cent de la somme totale engagée.
Pour ce faire, emprunta fort judicieusement
Quatre vingt dix pour cent au taux de six pour cent.
Pour calculer le bénéfice
Modestement le fabuliste
Laisse compter l’économiste
Résolument capitaliste
Mais il ne saurait point, Esope libéral
Economiser la morale !
Elle sera empruntée sans le moindre intérêt
A Edouard Stern qui fut moraliste et banquier :
Le seul argent qu’on a gagné est celui qu’on a dépensé.
Cet article a été publié une première fois sur Vox-Fi le 26 mars 2014.