Les faits : une Cour d’appel fédérale aux États-Unis vient de rejeter assez sèchement vendredi 22 juillet une nouvelle disposition de la SEC qui tendait à faire progresser la démocratie actionnariale américaine, suite a une plainte de la Chambre de commerce américaine1.

 

Cette nouvelle règle aurait consisté à demander aux sociétés d’inclure, sans les formules de pouvoir qu’elles envoient aux actionnaires avant l’assemblée générale, une information sur les candidats actionnaires à des postes d’administrateurs (et non pas uniquement à l’initiative du conseil, comme c’est le cas actuellement). À noter que les groupes d’actionnaires qui veulent passer outre un refus du conseil doivent actuellement payer pour l’édition et la distribution des pouvoirs (« proxies »).

 

Jusqu’à la loi Dodd-Frank votée en 2010, ce point de droit des sociétés était du ressort des 50 États, mais depuis lors, il est devenu en quelque sorte « fédéral », puisque la SEC a obtenu le pouvoir de le réguler, à condition que cette dernière puisse prouver que la société « en retire un bénéfice ».

 

Tel a été l’argument retenu par la Cour d’appel fédérale qui a déclaré : « la SEC n’a pas suffisamment documenté sa position, qui consistait à affirmer que faciliter la nomination d’administrateurs proposés par les actionnaires augmenterait la création de valeur pour l’actionnaire. »

 

Quelques commentaires : cette curieuse alchimie, mêlant le droit des sociétés et l’analyse financière, a généré quelques réactions indignées d’universitaires, qui ont déclaré que la Cour d’appel y était allée un peu fort, dans la mesure où « l’analyse coûts/bénéfices » n’était pas une science exacte.

 

Cet incident n’est pas le premier du genre : depuis plusieurs années, la Chambre de commerce américaine (cf. note infra) mène, sous la présidence actuelle de Thomas J. Donohue, une croisade contre toute disposition fédérale qui viendrait de Washington (directement ou via la SEC) et qui tendrait à remettre en cause ou affaiblir le pouvoir du président du Conseil d’administration.

La déclaration de T.J. Donohue suite à l’échec de la SEC est par ailleurs très révélatrice : « Nous nous réjouissons de la décision de la Cour d’empêcher des intérêts politiques partisans (sic) de faire irruption dans la salle du conseil d’administration. »

Jean-Luc Peyret

1. La Chambre de commerce américaine, composée des magnats et cadres supérieurs les plus puissants du pays, est en fait la section américaine de la Chambre de commerce internationale (ICC), créée par la SDN après la Grande Guerre pour réguler les problèmes mondiaux de brevets, bancaires, de commerce (Incoterms) et postaux. L’un des ses plus fameux présidents avant 1939 (à la fois de la Chambre de Commerce americaine et internationale), avait été Watson (président d’IBM). Si une comparaison par rapport au spectre français a du sens, elle se situe plus près de l’Afep que du Medef.