Malgré la volonté de la BCE de rassurer les investisseurs, les marchés n’ont pas acheté son opération vérité sur les banques. Un test de résistance public de banques ne peut être qu’un exercice de communication, qui ne saurait tromper des professionnels avertis sachant de quoi il retourne. Pour résumer le scepticisme vis-à-vis des banques européennes cotées, il suffit de rappeler que leur valeur boursière a baissé depuis 2007 de plus de 70%, et qu’elle reste inférieure à leur actif net comptable (dépréciations d’actifs et/ou provisions pour risques insuffisantes aux yeux des marchés). Ajoutons que le ratio des fonds propres comptables au regard des actifs au bilan, non pondérés des risques, ressort à 8% pour les banques américaines, 4% pour les banques européennes, 3% pour les banques françaises, et 2% pour la Deutsche Bank.

Faute de réformes structurelles suffisantes de la part des Etats, la zone euro n’a plus aujourd’hui les moyens de contrer une grave crise financière, avec des marges de manœuvre monétaires et budgétaires qui ne cessent de se réduire. Le contexte macro économique d’atonie européenne, confinant au marasme, et le risque réglementaire du secteur (conséquences financières des litiges et nécessité d’abandonner des pratiques rémunératrices mais douteuses), ont achevé de dissuader les marchés, en dépit des conditions de refinancement extrêmement favorables faites aux banques par la BCE.

Pour autant, il faut faire crédit à la BCE, seule institution fédérale dans une zone qui ne l’est pas, du sérieux de son opération de revue préalable de la qualité des actifs bancaires, qui lui permet de disposer d’une base de données homogènes et d’une modélisation des principales banques européennes, utiles en termes de prévention des risques et en cas de défaillance d’un établissement. Ce travail fouillé a déjà eu des effets vertueux en conduisant les banques les plus fragiles à reconnaître leurs pertes sur les produits toxiques dérivés et sur leurs portefeuilles de crédits. La BCE a ainsi requalifié 136 Md€ de prêts en créances douteuses, soit 18% de plus que ce que les établissements reconnaissaient au 31 décembre 2013. Les stress tests ont également confirmé la fragilité du système bancaire italien, avec des établissements qui vont devoir changer de propriétaires. Certaines banques coopératives et régionales allemandes sont désormais sous surveillance et il est clair que des établissements, notamment en Grèce et à Chypre, devront faire appel à de l’argent public.

Cela dit, le montant total de 24,5 Md€ de recapitalisations demandé par la BCE, dont 15 milliards ont été réalisées fin octobre 2014, n’est pas à la hauteur des enjeux. La conjoncture s’aggrave au delà des postulats retenus et nous sommes passé à côté de sujets sensibles comme le risque de déflation, de défaut d’un Etat ou d’une banque systémique.

Les normes Bâle III ne sont elles-mêmes pas exemptes de critiques. Est-il logique qu’une banque doive mettre 28% de fonds propres en face du risque, dans le calcul des actifs pondérés, lorsqu’elle acquiert des obligations Nestlé et zéro lorsqu’elle achète des emprunts souverains ? A l’évidence, le régulateur prudentiel favorise une politique de répression financière, consistant à acheminer les liquidités vers les Etats pour réduire le coût de leur endettement, plutôt que vers le risque, à la base de la croissance dont l’Europe a pourtant bien besoin.

Les stress tests de la BCE doivent être regardés comme le point de départ de l’Union bancaire, première véritable initiative fédérale européenne. Certes, il reste beaucoup à faire sur la voie de l’assainissement (séparation des métiers de banque de marché qui ne devraient avoir accès ni aux dépôts bancaires ni aux guichets de la BCE, diminution de la concentration du secteur, des en-cours de produits dérivés, de l’endettement des établissements, mise en place de sanctions pénales pour les dirigeants qui ont failli et forte augmentation de la part des fonds propres des établissements systémiques). Le système bancaire européen semble être sur la bonne voie, même s’il ne faut pas se cacher que le chemin du processus de surveillance et de gestion des faillites éventuelles sera long et semé d’embûches. Seul l’aboutissement de l’Union bancaire, étape majeure vers un fédéralisme européen, permettra de rétablir la confiance dans le système bancaire, indispensable pour relancer durablement la croissance.